3e Sommet de l’inclusion économique : l’ambition de donner sa juste place à chacun
Le 28 novembre 2023, le 3e Sommet de l’inclusion économique a réuni 10 000 décideurs économiques, politiques ou associatifs, ainsi que de nombreux experts et journalistes, dans le cadre d’une journée de conférences et tables rondes métiers[1]. Durant cet événement initié par la Fondation Mozaïk[2], près de 1 000 talents issus de territoires moins favorisés ont aussi pu rencontrer les représentants des 50 entreprises et institutions partenaires, présentes. Un pas de plus vers l’égalité de traitement dans l’accès à l’emploi et à l’entrepreneuriat – un impératif économique, social et sociétal !
La difficile insertion professionnelle des jeunes, diplômés ou non, issus des QPV
Plusieurs études ont servi de socle aux conférences de cette 3e édition. La première d’entre elles fut un rapport[3] du CESE. Sa rapporteure, Marianne Tordeux Bitker, a fait état du constat suivant : les inégalités naissent avant tout du lieu de résidence – urbain/rural, centre-ville/banlieue. Avec des conséquences directes sur l’accès à l’éducation et à l’emploi ainsi qu’aux services publics. Un exemple avec le taux d’emploi des 18-64 ans dans les QPV (Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville), inférieur de 20 points à la moyenne nationale à 45 %. Par ailleurs, les difficultés s’accroissent d’une génération à l’autre au sein des familles d’immigrés, en matière d’accès à l’emploi.
Quid des principaux résultats d’une autre étude, réalisée par l’APEC via le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) ? Plusieurs données édifiantes peuvent en être extraites. Ainsi, 29 % seulement de la génération 2017 vivant en QPV est diplômée du supérieur, contre 56 % dans le reste de la population. En cause, notamment : les conditions d’éducation dégradées auxquelles les jeunes font face très rapidement dans leur scolarité, liées en particulier au manque de mixité sociale. Et pour les jeunes qui accèdent à l’université ou aux grandes écoles, les difficultés ne s’estompent pas puisqu’ils ont davantage de mal à accéder à un emploi cadre que les autres étudiants. Ils sont aussi moins nombreux à bénéficier de formations en alternance : 23 % vs 34 %, pour la génération 2017 toujours. Parmi les causes recensées, on trouve la discrimination ethno-raciale – basée sur l’origine réelle ou supposée, la couleur de la peau et/ou la religion. Les stéréotypes quant à des quartiers censés disposer d’un faible capital culturel, où des codes différents sont à l’œuvre, nourrissent également la stigmatisation. Sachant que ces préjugés finissent par être intériorisés par ceux qui les subissent, générant un phénomène d’autocensure.
Un rappel en contrepoint : le concept d’inclusion économique renvoie à la création de conditions équitables pour que toute personne, quels que soient son origine ou statut socio-économique, son genre, son âge ou son handicap, puisse participer activement à l’économie d’une société – selon Saïd Hammouche, fondateur du groupe Mozaïk. Or, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, en France un candidat dont le nom est à consonance maghrébine a 33% de chances en moins d’être rappelé par un recruteur – selon une étude ISM Corum / Institut des Politiques Publiques menée sous l’égide de la Dares.
Un nouvel élan porté par l’entreprendre et le développement d’une vision systémique
Comme le soulignait la directrice générale de la Fondation Mozaïk, Géraldine Plénier, à l’issue de la 2e édition, pour se projeter les étudiants issus des QPV ont besoin de rôles modèles et de « prises de parole fortes de dirigeants de grandes entreprises ». En miroir ou presque, les organisations ont également besoin d’idées ou de figures inspirantes pour progresser sur le chemin de l’inclusion économique. Dans cette optique, le 3e Sommet a donné la parole au frère Hugues Minguet, de l’ordre des Bénédictins[4], fondateur et délégué général de l’Institut Sens et Croissance[5]. Revenant sur le concept de « moinagement » dont il est l’auteur – clin d’œil inclus -, il a rappelé que les monastères, plus ancienne multinationale que l’on puisse observer, sont de véritables laboratoires d’humanité. L’expérience monastique offre ainsi des repères tout en favorisant la prise de recul et la réflexion. Sachant que, lorsque l’argent est devenu la finalité des monastères – durant plusieurs siècles -, le sens de l’humain et du construire ensemble s’est perdu. Mais alors, qu’évoque pour lui la notion de juste place – en écho à l’intitulé de ce sommet, « La juste place pour tous » ?
Derrière cette expression, il y a tout d’abord le rapport entre le bien de la personne et celui de la communauté : selon Saïd Hammouche, l’entreprendre en est le cœur – « prendre ensemble ». Un autre aspect tient dans le développement d’un leadership de l’entéléchie – du grec en telos, « aller vers la finalité ». Appliquée aux entreprises ou à leurs dirigeants, l’entéléchie vise à accompagner les nouvelles recrues – et les salariés en général – vers un accomplissement personnel. De ce rayonnement individuel, multiplié par d’autres, découle la réussite collective !
Quant à la vision systémique mentionnée plus haut, elle doit animer les organisations pour mettre en œuvre un changement profond des politiques de recrutement ou RH plus largement, et des pratiques managériales. La mobilisation des comités de direction comme des directions générales d’entreprises est dès lors absolument indispensable. Si l’acculturation à opérer nécessite une bonne connaissance du cadre légal, la capacité à recruter et à accueillir des profils différents de ceux que l’organisation avait jusque-là l’habitude d’intégrer, s’avère aussi primordiale.
Mesurer la diversité et mobiliser les soft skills pour booster l’inclusion économique
S’engager sur la voie de la diversité ne va pas de soi. Comment se situer en la matière, quand on est une organisation qui se considère comme ouverte à tous les profils ? Pourtant, « ce qui ne se mesure pas » n’avance peut-être pas… En l’occurrence, malgré le lancement d’un index Diversité et Inclusion en 2021 – par la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances du moment, Elisabeth Moreno -, trop peu de grandes entreprises se sont saisies du sujet. Certaines, pionnières, telles que The Adecco Group, BNP Paribas ou L’Oréal, ont toutefois pu partager leurs retours d’expérience lors de ce 3e Sommet de l’inclusion économique.
En parallèle, lors de la conférence « Mesure et diagnostic : la diversité socioculturelle à l’index », Tony Bernard, directeur général d’Impact Tank (fondé à l’initiative du groupe SOS), a rappelé que la diversité socioculturelle met les organisations mal à l’aise. De sa mesure à l’établissement de véritables statistiques ethniques, il n’y aurait qu’un pas… Il faut savoir qu’en France, il existe une double interdiction : celle d’intégrer des variables liées à la race, l’ethnicité ou la religion dans les fichiers administratifs, et celle de mettre en avant, de façon directe ou indirecte, des éléments d’ordre ethnique ou racial dans les données personnelles. Tout autre type d’enquête est donc possible, moyennant la garantie de l’anonymat et de la confidentialité des données recueillies, et le fait de se baser sur le volontariat des répondants. Dès lors, des entreprises très engagées sur la question ont mis en place divers types de reportings. Toutefois, comme l’a souligné Tony Bernard, cela ne dit rien sur l’impact de la diversité des origines. D’où le travail engagé par Impact Tank pour mesurer les effets concrets des actions de sensibilisation ou de formation déployées sur la vie des salariés concernés. Il s’agit d’identifier des indicateurs permettant de matérialiser ces effets, et d’établir des liens de causalité avec les actions engagées.
Autre enjeu majeur pour booster l’inclusion économique : la détection et le développement des soft skills – comme en ont témoigné les participants aux diverses conférences de la journée, dont celle dédiée à ces compétences. Dans un groupe comme Sanofi qui recrute 2 200 jeunes en moyenne par an via l’alternance ou en stage – dont plus de 10 % sont issus des QPV -, la plus grande attention est portée au potentiel. Pour Nicolas Pouchain, directeur Talent Acquisition, Diversity, Equity & Inclusion du groupe, « il faut investir sur le savoir-être car celui-ci sera transposable tout au long du parcours professionnel ». Et les soft skills constituent « un actif qui va s’amplifier dans le futur ». Dans une autre perspective, les soft skills sont des compétences distinctives par rapport à l’intelligence artificielle. D’où le lancement, par Sanofi en partenariat avec le Collège de France, d’un passeport formation, certifiant, destiné aux jeunes issus des QPV et aux étudiants, pour les aider à développer ce type de compétences.
Au-delà de l’accompagnement qui peut être proposé par les entreprises en matière de développement des soft skills, leur détection – notamment par le biais des expériences associatives des jeunes – doit être privilégiée. Ces compétences jouent en effet un rôle de passerelles vers des emplois qui nécessitent des compétences métier dont ils ne disposent peut-être pas encore. Sachant qu’il est important également d’aller à la rencontre des jeunes, comme le fait Sanofi – entre autres entreprises – avec son dispositif Place d’Avenir destiné aux alternants, en partenariat avec le cabinet Mozaïk RH.
Pour conclure ce focus sur quelques grands axes du 3e Sommet de l’inclusion économique, signalons que plusieurs prix y ont été attribués – par le Fonds Sens, pour soutenir l’entrepreneuriat féminin et les projets d’entreprises issus des quartiers populaires ou des zones rurales[6], et dans le cadre des Awards de l’inclusion économique, pour saluer un engagement personnel ou en tant que dirigeant en faveur de l’inclusion[7]. Un plan d’action a par ailleurs été présenté par le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure, et un appel, lancé sur le site du CESE par Saïd Hammouche, Moussa Camara, président des Déterminés, et Galo Diallo, président de Smile – pour mobiliser la société civile en faveur d’une économie où chacun trouvera sa juste place.
>> Pour accéder au replay du 3e somment de l’Inclusion économique : c’est ici !
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[1] Le 3e Sommet de l’inclusion économique s’est déroulé au ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et à distance.
[2] Un événement organisé avec le soutien de l’agence Epoka et sous le haut patronage du ministre Bruno Le Maire.
La Fondation Mozaïk fait partie du groupe Mozaïk qui regroupe aussi Mozaïk RH, Mozaïk Campus et la plateforme mozaiktalents.com. Le cabinet Mozaïk RH, expert du recrutement et conseil en stratégie d’inclusion, a été cofondé en 2007 par Saïd Hammouche et Estelle Barthélémy.
[3] Pour en savoir plus sur le rapport du CESE, sa synthèse peut être téléchargée ici.
[4] Pour découvrir l’itinéraire singulier d’un autre homme d’église, découvrez le portrait de Régis Gouraud, « converti » au management de transition tel que le pratique CAHRA.
[5] Le frère Hugues Minguet est également responsable des séminaires « Éthique et performance » du MBA d’HEC et expert APM (Association Pour le Management).
[6] Agorha Galeries est la lauréate du Fonds Sens 2023.
[7] Entre autres lauréats des Awards de l’inclusion économique 2023, le 1er prix du public a été attribué à Galo Diallo (Smile Mouvement & Smile Conseil). La cheffe d’orchestre Zahia Ziouani a reçu le 1er prix de l’engagement personnel « personnalités publiques », et Rami Baitieh (Carrefour France puis Morrisons), celui de l’engagement personnel « dirigeants d’entreprises ».