La gestion de projet agile au cœur de la performance durable
Joint-venture détenue par deux grands acteurs de l’aéronautique, il s’agit une entreprise de maintenance aéronautique spécialisée dans une technologie très pointue : la réparation d’aubages de compresseurs de moteurs d’avions commerciaux. Société récente puisque ses premières productions voient le jour en 2019, elle se compose d’environ 120 personnes, des effectifs plutôt jeunes (trente ans en moyenne). Les ingénieurs notamment, travaillent dans une ambiance semblable à celle d’une start-up.
Périmètre et contexte de la mission
Le site doit concurrencer une entité asiatique aux coûts de production très inférieurs à la sienne.
En parallèle, il prévoit une montée en cadence quantitative pour arriver à environ 10 fois l’actuelle.
Une pré-analyse du projet a fourni une vision générale, mais insuffisante pour déclencher la prise de décision de lancement.
La mission de transition consiste donc à accompagner l’avant-projet, le challenger pour présenter à décision une proposition robuste et acceptable. Le plan doit définir les niveaux d’investissement, le prix de réparation atteignable et un calendrier de mise en œuvre dans le respect des échéances.
Le projet doit mener de front la croissance des volumes et la compétitivité sur les prix. Il doit à la fois répondre en termes de capacité d’investissement et de recherche de ROI.
L’enjeu est double : obtenir l’accord pour le lancement du projet et proposer un outil industriel adapté pour assurer la pérennité du site.
Dans les faits, la mission débute dans une atmosphère de crise puisqu’un problème qualité bloque la production du modèle cœur de gamme.
Le choix de l’outil de gestion de projet
Immédiatement, avec mon donneur d’ordre, nous ressentons une proximité forte et complémentaire. Nous nous challengeons mutuellement, en toute ouverture, transparence et objectivité. Mon DO connaît parfaitement l’usine et son histoire. Semaine après semaine, une relation solide et efficace se noue.
Un projet pensé en « mode tunnel » émerge. Rapidement, il s’avère qu’il ne correspond pas à la vision du directeur général qui souhaite en suivre, au plus près, chaque avancement. Il n’est donc pas envisageable de travailler selon un modèle où le client découvre le livrable à la fin du projet.
La solution apparaît à travers la méthode agile : des itérations courtes pour des feedbacks réguliers.
L’apport de la méthode agile dans la mission de transition
Avec mon DO nous réfléchissons à la méthodologie à utiliser. C’est alors que nous proposons la méthodologie Scrum, peu implémentée dans le domaine industriel, mais qui a fait ses preuves dans le secteur informatique. Immédiatement, le DG valide cette dynamique. En effet, elle apporte deux gros atouts, au vu du contexte : des retours réguliers et la transversalité de l’information. Elle nous permet aussi de gérer les incertitudes.
Des feedbacks réguliers
Nous instaurons chaque jeudi matin, une revue de projet (un sprint dans le langage Scrum) où trois chefs de projet présentent, en une heure chacun, l’avancement de leurs études en présence de l’équipe de développement. Cette source récurrente d’information permet la validation au fur et à mesure du DG et met en mouvement une routine dynamique. Une cinquantaine de réunions auront lieu durant la mission.
La transversalité de l’information
Curieusement, malgré l’open space, la communication manque de fluidité. La méthode agile brise cette organisation en silos pour la rendre plus transversale. L’information circule désormais de manière verticale et horizontale. Chaque soir, les équipes récapitulent les actions du jour, celles prévues le lendemain et les points bloquants. Chaque mardi après-midi, le CODIR se réunit pour lever ces derniers. Les collaborateurs visualisent mieux leur place dans le système, comprennent les besoins et les attentes des autres services.
Tout cela s’appuie sur un planning classique sous forme de GANTT que je pilote avec mon DO.
Je note, en outre, un manque de structuration. Aucun compte-rendu ni point d’avancement n’existe. Cette mission leur procure les outils nécessaires : le planning, la structuration des revues de sprint, les workshops, l’éclairage sur les attentes des chefs de projet, etc.
Je suis heureux de constater, encore aujourd’hui, que ce déploiement a laissé des traces solides et pérennes dans leur organisation actuelle.
Naviguer dans l’incertitude
Au fur et à mesure de l’avancement du projet, l’agilité nous a permis de lever les incertitudes et de nous réajuster pour répondre au cahier des charges qui ne manquait pas de s’affiner.
Des incertitudes techniques sur le choix des moyens liés au process : les équipes techniques ont benchmarké, réfléchi, cherché des solutions out of the box.
Des incertitudes relatives au niveau de robotisation : stockeur automatisé, AGV (Automatic Guided Vehicle), cellules automatisées, etc.
Des incertitudes sur les volumes finaux cibles : ces quantités de réparations ont donné lieu à nombre de débats.
À la fin de la mission, le DG reconnaît être surpris que l’on soit allé aussi loin dans les recherches et les investigations. En creusant, on a cerné les incertitudes, proposé des options, évalué leur coût pour mieux appréhender les sujets et, in fine, permettre une prise de décision éclairée.
De leur côté, les équipes témoignent du calme et de la clarté dans lesquels je les ai guidées. Elles affirment avoir « grandi et construit leur stratégie future ». « Le temps a été la notion la plus présente dans ce projet : apprendre du passé, imaginer le futur, travailler au présent ».
En début de mission, j’avais un doute quant à la cohésion du Codir sur ce projet. En fin de mission, l’union collective était née.
Quelles leçons tirer de cette mission dans l’aéronautique ?
L’agilité du roseau, l’agitation de la mer
À l’instar de l’image du chêne et du roseau, notre agilité et notre adaptabilité (sans dire oui à tout) nous ont permis de réussir à conduire cet avant-projet, donc à atteindre l’objectif principal de la mission. C’était très challengeant de chercher à s’appuyer sur des solutions robustes et, en même temps, mener de front la baisse des coûts et la maîtrise des investissements.
L’agilité a bousculé des certitudes et engendré des prises de conscience. En effet, de prime abord, la méthode Scrum n’était pas évidente dans le cadre d’un développement industriel. Pour reprendre les termes employés pendant la mission, nous avons maintes fois « surfé sur les vagues tumultueuses ».
Questionner et prendre soin des attentes des collaborateurs
Dès le début de la mission, j’ai souhaité jauger le niveau d’énergie disponible des équipes pour ce projet. Je voulais connaitre leur ressenti et la perception du Codir. Il s’est avéré que les équipes m’ont avoué un niveau d’énergie de 5/10, tandis que la direction l’estimait à 9/10. L’information est donc double : les équipes manquaient d’énergie résiduelle et la Direction n’avait pas conscience de ce besoin aussi important de travailler à l’embarquement.
Ce décalage m’a fait prendre conscience des attendus que j’ai alors questionnés. « Que faudrait-il pour que vous passiez au cran supérieur d’engagement » ?
Finalement, cette constatation fut un fil rouge de la mission. Partager cette information, la circulariser a apporté une compréhension supplémentaire du système, comme quelques graines semées qui, un jour, écloront.
Une collaboratrice témoigne que « tout le monde a su avancer sans finir essoufflé ».
L’apport du système Cahra à la mission
En tant que manager de transition, nous devons rapidement être le plus pertinent possible pour présenter notre diagnostic. L’observation, la compréhension des systèmes et mes outils de coach m’ont aidé dans le questionnement et dans ma posture. Le modèle Cahra apporte un vrai plus à nos missions, notamment la richesse de son collectif et le soutien du directeur de mission.
La force du collectif
J’ai fait appel au collectif Cahra pour m’éclairer sur la méthode Scrum. J’ai aussitôt été mis en contact avec Emmanuel Darcourt, spécialiste Scrum en développement de projet industriel. Formidable opportunité ! Sous quelques jours et après divers échanges et lectures, le DO et moi présentons au DG, une solution adaptée à ses besoins et aux objectifs de la mission : la méthodologie Scrum.
La direction de mission
Dans les projets Cahra, j’apprécie tout particulièrement le soutien du directeur de mission. Cet échange permanent permet de prendre du recul sur nos propres apports et la prise de hauteur que nous offrons à nos clients.
Bio express
Ingénieur de formation, Joël Dutouquet embrasse une carrière industrielle au sein du Groupe Legrand. Pendant 36 ans, il multiplie les fonctions : process engineering, méthodes, gestion de production, gestion de projet, développement de nouveaux produits, directeur de site industriel, directeur technique et de production. Les fusions/acquisitions de son entreprise l’entraînent à l’étranger : Russie, Arabie Saoudite, etc.
Passionné par les approches managériales, l’Humain et ses modes de fonctionnement communs au-delà des cultures, il se forme au coaching et à l’éthologie. Amateur de chevaux, il s’adonne également à l’équicoaching. Joël devient manager de transition en 2015 après avoir suivi la formation Audencia.
Merci infiniment à Joël Dutouquet pour son précieux témoignage.