Co-développement : une dynamique de groupe pour enrichir ses pratiques managériales
Montant en puissance dans les entreprises, le co-développement s’y déploie fréquemment sous forme d’ateliers, lors de séminaires d’équipes. Générant de vastes attentes, il reste avant tout assimilé à une méthode de résolution de problèmes – ce à quoi il ne se limite pas ! D’où l’importance de le définir et d’envisager les meilleures voies pour le mettre en œuvre avec un maximum d’efficacité.
Le co-développement ou comment « grandir » professionnellement avec les autres
Pour les personnes y ayant recours, le co-développement participe du travail sur un sujet donné – contribuant à la réflexion et à la mise en œuvre de « solutions » à la demande exposée – mais son objectif premier est ailleurs : améliorer, renforcer ou faire progresser les pratiques professionnelles de tous les participants, en termes de posture essentiellement.
Venus tout droit du Québec, les groupes de co-développement professionnel misent en effet sur l’entraide et l’apprentissage les uns des autres, selon leurs initiateurs Claude Champagne et Adrien Payette. En échangeant et en apprenant au contact des autres, en développant le questionnement réflexif, chacun va améliorer progressivement ses pratiques. Ceci quelle que soit la « position » occupée durant les séances ! Sachant qu’un groupe de co-développement compte un nombre limité de personnes [1] et que son animation repose sur un protocole bien établi. La dynamique de groupe joue ici un rôle clé, tout comme l’intelligence collective. Chaque individu a l’opportunité de renforcer sa confiance en soi ainsi que ses « ressources » professionnelles, le collectif lui-même progressant en parallèle.
Comment fonctionne un groupe de co-développement ?
Certes séduisant, le partage spontané de bonnes pratiques demeure aléatoire, reposant sur les affinités ou les circonstances. D’où la nécessité d’organiser les échanges, en proposant un cadre et en observant un protocole. C’est le rôle de l’animateur d’un groupe de co-développement. Celui-ci n’est pas un « sachant » mais le garant du bon déroulement des interactions lors d’une séance.
De leur côté, les participants peuvent occuper deux « positions » distinctes :
- Celle de client, qui expose la problématique qu’il rencontre actuellement ;
La personne partage à la fois des faits et des émotions. Cette position requiert un certain lâcher-prise et une authenticité vis-à-vis de soi-même. L’humilité est également convoquée, ainsi que l’ouverture d’esprit.
- Celle de consultant, qui « reçoit » la parole du client et développe un questionnement actif, avant de proposer la ou les solutions qui lui semblent appropriées.
Cette position requiert des capacités d’écoute et une posture d’empathie. L’intelligence émotionnelle entre aussi en jeu, pour distinguer les faits des impressions, tout comme l’humilité ; il ne s’agit pas de calquer ses propres expériences sur celle du client ! Le consultant doit enfin pouvoir donner son feedback sans blesser.
Dans le co-développement, le travail concerne TOUS les participants. Chacun s’enrichit du regard, de la réflexion, de l’expérience et des pratiques professionnelles des autres.
Quelles sont les étapes d’une séance de co-développement professionnel ?
Soulignons tout d’abord que le client peut à tout moment dire pouce ou joker – si cela va trop vite pour lui, ou trop loin. L’objectif du co-développement n’est pas de « bousculer » les participants.
Lors d’une séance, une étape préalable porte sur le choix du sujet, grâce à un tour de table [2]. Chaque personne propose une problématique sur laquelle elle aimerait travailler. Le groupe et/ou l’animateur choisissent le sujet du jour en fonction de « l’urgence » de la situation, de son impact, etc.
- Durant la 1re étape, le client choisi par le groupe expose la situation à laquelle il est confronté, puis exprime une demande à l’égard du groupe – qu’attend-il de la séance de travail à venir ?
La durée moyenne de cette phase est de 5 minutes.
- La 2e étape porte sur la clarification.
Les consultants questionnent le client en faisant part de la façon dont ils ont perçu la situation exposée, lui demandant des éclaircissements en vue d’apporter des « solutions » dans les temps d’échanges qui suivront, La capacité de reformulation est décisive durant cette phase de 20-25 minutes.
- La 3e étape consiste à établir un contrat.
Le groupe demande au client d’exprimer une demande « réactualisée » d’aide, au regard des clarifications apportées. Sa perception du problème peut en effet avoir évolué depuis sa requête initiale. À l’initiative de l’animateur, chaque consultant confirme ensuite son « accord » avec la demande qui vient d’être exprimée par le client. Tant que des divergences subsistent, la réflexion conjointe se poursuit. Cette phase peut durer 15 minutes.
- La 4e étape, ou consultation, débute alors.
Les consultants font part de leurs propositions de manière concise. Le client note toutes les suggestions, sans censure et sans intervenir, sauf s’il a besoin de précisions. Les consultants vont souvent puiser dans des situations qu’ils ont vécues précédemment, même s’ils ne les mentionnent pas. Cette phase dure une vingtaine de minutes.
- Durant la 5e étape, le client élabore un plan d’action.
Il s’isole durant 5-10 minutes, relit ses notes pour identifier ce qui lui semble le plus pertinent. Il définit des actions à mener – notamment celle par laquelle il va commencer [3] – et les présente au groupe. Les consultants accueillent ses décisions.
- La 6e étape consiste à réaliser une relecture, individuelle et collective, de tout ce qui s’est passé.
Comment chaque participant a-t-il vécu la séance ? Qu’a-t-il apprécié ? Perçu ? Appris ? Qu’aimerait-il faire différemment la prochaine fois ? Les consultants se demandent s’ils ont répondu à la demande du client. Ont-ils été efficaces ? Comment aller à l’essentiel ou produire davantage de propositions ? L’objectif étant de progresser d’ici la séance suivante pour accompagner encore mieux le futur client.
Les écarts à éviter pour garantir l’efficacité du co-développement professionnel
Confidentialité et bienveillance sont requises. Au regard de ce 1er « pilier », un groupe de co-développement incluant des participants ayant un lien hiérarchique par exemple, a peu de chances de procurer un cadre de confiance satisfaisant. Au regard du second (qui implique de suspendre le jugement), des remarques du type « Vraiment, je ne vois pas où est le problème ! » peuvent bloquer le client dans sa libre expression. Car il n’est pas aisé de s’ouvrir aux autres ni de demander de l’aide à ses pairs…
Le temps étant une ressource essentielle lors d’une séance, le groupe doit veiller à l’utiliser au mieux, ensemble. Les participants évitent par exemple de mentionner des éléments de contexte personnels avant de poser une question, ou d’entrer trop dans le détail quand ils proposent une solution.
D’autres écarts plus ténus surviennent fréquemment. Ainsi, quand le client expose sa problématique en début de séance, l’objectif du groupe est de bien la comprendre. À ce stade, la tendance naturelle des consultants peut être « d’induire » très/trop rapidement des solutions. Or, en ne prenant pas le temps nécessaire pour cerner la problématique du client telle qu’il la vit, on risque de passer à côté du véritable souci. L’animateur du groupe de co-développement doit donc pointer l’écart et proposer de reformuler la question différemment.
Quelques exemples de recours fructueux chez CAHRA
Avec des managers de transition constituant une véritable équipe, le co-développement est presque une évidence chez CAHRA ! S’ils travaillent avec un directeur de mission lors de chaque intervention, les échanges entre pairs sont également fondamentaux pour les managers.
Parmi les problématiques partagées : l’alliance à nouer entre le manager de transition et le donneur d’ordres. Il s’agit là d’une étape clé de la mission, décisive pour son bon déroulement. Quand l’alliance tarde à se conclure, la pression augmente pour le manager, qui peut avoir du mal à effectuer le pas de côté indispensable en vue de « dénouer » la situation.
- Le groupe de co-développement aide alors le manager de transition à prendre de la hauteur pour comprendre comment réussir à « toucher » le donneur d’ordres, différemment. La solution peut passer par le fait d’engager le dialogue sur un autre terrain, de s’appuyer davantage sur les faits recueillis lors des interviews initiales, ou de multiplier les exemples de situations analogues – entre autres.
Autre exemple : un manager de transition porté par une exigence de qualité et de pérennité se retrouve « paralysé » dans un contexte de mission ne permettant pas le respect de tels critères.
- Le groupe de co-développement l’aide à se repositionner pour fixer des objectifs atteignables, dans le cadre de son plan d’action. Le manager de transition renoue ainsi avec l’efficacité opérationnelle (grâce aux actions engagées), tout en vivant mieux la situation du point de vue éthique.
Le co-développement implique de faire confiance au « système », celui-ci incluant le cadre, les méthodes d’animation et les autres participants. Il est important de vivre pleinement la séance. Car le CO du co-développement porte à la fois sur le client / sa problématique / l’amélioration de ses pratiques professionnelles et sur les consultants, qui se développent eux-mêmes ! Une expression le résume pour ceux qui l’expérimentent : « Un grand bol d’air frais, revigorant ».
[1] Généralement, de 4 à 8 participants maximum.
[2] Chez CAHRA, la méthodologie du co-développement peut être adaptée : un manager de transition qui se heurte à des difficultés sollicite directement ses pairs, un groupe étant alors constitué. Il n’y a donc pas de tour de table pour choisir le sujet. Dans la méthodologie complète, le groupe constitué va fonctionner avec les mêmes personnes durant plusieurs séances.
[3] Au début de la séance suivante, l’animateur redonnera la parole au client pour savoir comment se sont déroulées les « actions » qu’il devait mener. Ensuite, un tour de table sera effectué pour déterminer le sujet du jour – et un nouveau client sera choisi.