Cohésion d’équipe et crise sanitaire : les managers confrontés à une double équation inédite
Entretenir la cohésion d’équipe s’avère un exercice subtil quel que soit le contexte. En période de crise, cela s’apparente même à un oxymore ! Comment contrer la perte de motivation, le stress ou l’anxiété, et le risque de repli sur soi [1] ? Sur quels leviers s’appuyer pour développer la solidarité des collaborateurs, à distance ? Comment leur garantir la sérénité nécessaire à une activité de qualité, sur site ? Pistes de réflexion et outils pour agir en faveur du collectif et de son engagement.
Cette période de crise sanitaire et de confinement fractionne les collaborateurs – et la cohésion d’équipe
Revenons d’abord sur la variété de situations vécues par les actifs depuis mars 2020. Selon une étude Odoxa pour Adviso Partners, Challenges, France Info et France Bleu :
- 71 % des Français actifs ont peur d’attraper le virus en se rendant au travail ;
- 25 % ont peur de perdre leur emploi ;
- 45 % des actifs ne travaillent plus ;
- 25 % des actifs continuent de se rendre sur leur lieu de travail ;
- 20 % des salariés pratiquent le télétravail.
Cette crise inédite et les risques qu’elle engendre, selon la situation vécue et l’environnement dans lequel les collaborateurs évoluent (dans le cadre du travail à distance), peuvent être à double tranchant pour la cohésion d’équipe. Ainsi, selon Mylène Ridel, formatrice et coach avec Le Chalet QVT, fondatrice de la société Label Com, « tout dépend de la manière dont le management conduit cette période de crise. Moyennant des réponses adaptées, la cohésion d’équipe peut en sortir renforcée. Le cas échéant, elle sera profondément fracturée ».
Or, pour les managers, le challenge est d’envergure ! Ils doivent en effet savoir jongler entre les collaborateurs en télétravail, ceux présents in situ, ceux à temps partiel ou à temps plein. À cela s’ajoute la crainte face à la maladie et ses conséquences. « Sans oublier que le manager rencontre lui aussi des difficultés ! C’est un individu comme les autres, avec son stress et ses besoins propres, souligne Mylène Ridel. »
La clé de voûte de la cohésion d’équipe tient dans la communication
Même si celle-ci se fait plus ardue – en raison des gestes barrières et des tensions qui peuvent exister en présentiel, de la distance pour le télétravail -, elle demeure le nerf de la guerre. Elle repose sur des principes simples :
- S’assurer que tout le monde va bien ;
- Se centrer sur les personnes ;
- Être encore davantage à l’écoute de ses collaborateurs, aux signaux émis et aux mots employés ;
- Maintenir les rituels managériaux (réunions d’équipe en visioconférence par exemple) ;
- Proposer des moments informels (citation du jour, infos positives de tous ordres, e-apéros…) ;
- Assurer la transparence, en partageant ce que l’on sait et – dans la mesure du possible -, ce que l’on ne sait pas ;
- Veiller à ne pas insuffler son propre stress à ses équipes ;
- Exprimer certains de ses doutes, moyennant l’évaluation de l’impact que cela peut avoir ;
- Cultiver les émotions positives ou plaisantes, et accueillir les émotions déplaisantes.
Manager de transition CAHRA, Antoine Mourriéras confirme le recours à ces leviers. « Il faut faire preuve d’une extrême vigilance dans la manière de s’exprimer et s’investir à 200 % dans l’écoute de chaque collaborateur ». Quant à Fabienne Angaud, également manager de transition CAHRA, elle souligne deux points : 1) Animer une réunion en télétravail est beaucoup plus coûteux en énergie qu’en présentiel 2) L’attention dont il faut faire preuve constitue une priorité absolue.
Le fait de proposer des rituels avec des réunions téléphoniques à heures fixes – pour retrouver l’aspect managérial en présentiel -, s’avère également décisif selon Antoine Mourriéras.
La communication en période de crise doit relever du sur-mesure
Les collaborateurs présents sur site ont besoin d’une communication réajustée, notamment en termes de récurrence. « Je fais le point chaque matin avec mes équipes, indique Fabienne Angaud. Cela vient en complément de la communication hebdomadaire de la DG. »
Quant à la communication à distance, au-delà d’éventuels problèmes de connexion, elle n’est pas encore entrée dans les mœurs. « La séparation physique amène à complexifier les échanges », reconnaît Antoine Mourriéras. « Des informations se perdent, au téléphone notamment. Cela oblige à décoder les mots. Selon l’intimité que l’on a avec le ou les interlocuteurs, le risque de mauvaise interprétation peut devenir important ».
En effet, le langage n’est pas l’unique vecteur de communication. « Une partie de la communication non verbale s’avère difficilement perceptible, y compris en visioconférence. Notamment quand nous ne sommes même plus visibles en raison du trop grand nombre de participants, renchérit Fabienne Angaud. En cas de désaccord sur un tableau que l’on partage par exemple, il n’est pas toujours aisé de bien se faire comprendre. Car le fait de partager un document ne signifie pas le co-construire. Il faut alors prendre davantage de temps pour s’assurer que le « bon message » passe et que chacun dispose du même niveau de compréhension de l’information ».
Quelques conseils pour stimuler la cohésion d’équipe
Il s’agit tout d’abord de savoir identifier l’état des collaborateurs. Le « ça va » obtenu en réponse à la question que l’on a posée est-il réel, ou non ? Dans cette perspective, il est intéressant de partager soi-même son état d’esprit pour désinhiber son ou ses interlocuteurs.
Concrètement, pourquoi ne pas établir une sorte de bulletin météo, en début de réunion, sur son état émotionnel du moment et ses attentes ? Cela permet ensuite de se concentrer sur l’objectif de la réunion, qu’il s’agisse du suivi des actions en cours ou de prise de décision.
D’autres leviers agissent en faveur de la cohésion d’équipe :
- Le fait d’avoir le sourire pour le transmettre à ses interlocuteurs (y compris au téléphone, car le sourire s’entend) ;
- La capacité à donner des feedbacks positifs ;
- L’organisation de moments d’échanges en grands ET petits groupes, en prévoyant aussi si possible des échanges en one-to-one.
En période de crise, un juste cadrage des objectifs contribue à la solidité du collectif
Dans ce contexte inédit, il est capital d’ajuster au mieux les objectifs du jour à ce que chacun peut supporter ; Fabienne Angaud en est convaincue. « Tenir compte de la différence entre travail prescrit et travail réel me semble indispensable, poursuit Antoine Mourriéras. Or on ne connaît pas le détail du travail réel effectué, avec des collaborateurs à distance. J’en parle donc avec eux afin de savoir s’ils ont la capacité matérielle d’assurer le volume d’activités demandé. »
Globalement, il convient de se montrer extrêmement vigilant quant au cadre de management.
À circonstances et contexte exceptionnels, réajustements managériaux à la hauteur. « Il est primordial de valoriser les collaborateurs et leur travail, tout en veillant à la sécurité des personnes sur site, enjoint Mylène Ridel. » Cette crise va fortement impacter la marque employeur sur plusieurs années, selon l’attitude du management et de l’organisation envers leurs collaborateurs. « Le soutien que reçoivent actuellement les équipes est proportionnel à leur engagement de demain, conclut Antoine Mourriéras. »
[1] Selon plusieurs études, le risque d’addiction augmente notablement en période de confinement.
BIOS EXPRESS
Fondatrice de la société Label’Com, Mylène Ridel aide les organisations à développer la communication, le travail collaboratif et l’intelligence collective au sein de leurs équipes. Passionnée par les relations humaines, elle dispose d’une certification de praticienne PNL (Programmation Neuro Linguistique) et d’un diplôme de coach professionnel reconnu. Mylène Ridel travaille en tant que formatrice et coach avec Le Chalet QVT. Elle intervient dans toutes les structures CAHRA pour le déploiement de l’intelligence collective.
Forte d’un solide socle Gestion/Finances et de 25 ans d’expériences professionnelles diversifiées dans des organisations en mutation, Fabienne Angaud est manager de transition Cahra. Femme de terrain, ancienne chef d’entreprise, convaincue que l’humain est un formidable outil de création de valeur, un catalyseur d’innovation et de développement, elle met aujourd’hui ses compétences au service des clients du cabinet de management de transition Cahra sur des missions de management de la transformation.
Expert Supply chain et coach, Antoine Mourriéras s’attache à animer, faire progresser et réussir les équipes au quotidien, en les accompagnant vers les objectifs et projets de leur organisation. Manager de transition CAHRA, il s’adapte rapidement à la situation par l’approche globale de la structure dans laquelle il intervient. Cela peut concerner la gestion de centres de profits de 50 à 400 personnes dans des PME et groupes, ou le pilotage dans des contextes de forte croissance, de saisonnalité, de regroupement et de retournement.