Comment conjuguer pilotage opérationnel et nouvelle organisation managériale ?
La mission que nous allons évoquer s’est déroulée à la demande de la direction générale d’un groupe industriel. Une série de burn-out [1] a en effet conduit les partenaires sociaux à alerter cette dernière sur la situation au sein de l’une de ses unités, en l’occurrence stratégique. Dans ce contexte, la DG a choisi de faire appel à un manager de transition. Mes objectifs initiaux étaient les suivants : reprendre rapidement le pilotage opérationnel de l’unité et honorer les échéances clients.
Les priorités que j’ai définies pour assurer le pilotage opérationnel
Dès le départ, j’ai identifié plusieurs types de risques : la défaillance managériale [2] de cette unité stratégique ; une perte de repères générant le désengagement des équipes en place (une vive inquiétude régnant en leur sein) ; une dégradation des résultats opérationnels ayant un impact chez les clients. J’ai donc privilégié deux axes de travail :
- Rassurer les clients sur la continuité des opérations et le respect des engagements ;
- Rassurer les équipes en souffrance face à cette situation.
Dès lors, j’ai articulé cette mission de transition autour de deux points : d’une part, la réalisation d’un diagnostic ; d’autre part, la reconstruction de l’équipe. Avec en perspective : la restauration de la confiance des clients à l’égard de l’entreprise. Sans connaître tous les tenants et aboutissants de la situation, ces derniers avaient perçu un certain flottement managérial chez leur partenaire…
Je reviens sur la phase de diagnostic, que l’on retrouve dans chaque mission CAHRA ; il s’agit d’interviewer les différents acteurs de la structure dans laquelle le manager de transition intervient. Or, les échanges conduits avec une trentaine de collaborateurs ont mis en lumière ce que je nomme « la face cachée de l’iceberg », à savoir : une organisation parallèle ne correspondant pas à l’organigramme officiel et disposant de ses propres règles de fonctionnement. En son sein, certains se retrouvaient bénéficiaires et d’autres, exclus. L’existence de cette organisation fantôme induisait une emprise quasi totale du système sur les individus (sphères professionnelle et personnelle). Ainsi les activités de loisirs étaient-elles devenues « obligatoires » ; s’en détacher exposait la personne réfractaire à rejoindre le camp des exclus. À l’inverse, une participation assidue était récompensée d’une promotion voire d’une embauche, pour les intérimaires.
Assurer le pilotage opérationnel de cette structure impliquait donc de détricoter ce système parallèle.
Les actions que j’ai engagées afin de remettre l’organisation sur les rails
J’ai commencé par reventiler les bureaux, dans l’idée de séparer physiquement les collaborateurs bénéficiaires notamment. Si l’existence de liens forts peut contribuer au bien-être au travail et à l’efficacité professionnelle, de tels liens prennent un tout autre sens quand le contexte s’avère délétère.
Pour poser de nouvelles bases, j’ai choisi d’orienter le mode de fonctionnement des équipes vers davantage d’écoute et de bienveillance – exit le réseau d’influence ! En parallèle, j’ai redistribué certaines missions ainsi que des activités « de chasse gardée », jusque-là réservées à certains collaborateurs en particulier. Une situation d’exclusivité risquée pour l’entreprise en cas d’absence de l’une de ces personnes… Les observations réalisées lors des interviews [3] m’ont permis d’identifier plusieurs profils disposant des compétences requises pour mener à bien ces missions – moyennant une période de formation et en reprenant tout à zéro. D’anciens exclus ont ainsi retrouvé une place valorisante au sein de l’unité industrielle, tandis que des bénéficiaires ont vu leurs fonctions redéfinies avec, à la clé, le développement de nouvelles compétences également. Ce faisant, nous avons bâti un système de management plus équitable.
La prise en main du pilotage opérationnel m’a par ailleurs conduit à mettre en place des réunions hebdomadaires destinées à reconstruire l’esprit d’équipe -et à ce que les uns puissent aider les autres. Chaque manager venait y exposer ses propres problématiques, tout en partageant ses succès.
Les actions que j’ai menées auprès des clients, pour établir de véritables relations de confiance
Il s’agissait tout d’abord de les rassurer sur la continuité des opérations, en allant à leur rencontre puis en respectant les délais. Un travail sur la nature même des relations clients a également dû être réalisé afin d’instaurer un système plus « lisible » – notamment en communiquant sur la nouvelle organisation. Dans la même optique, nous avons mis en place des rituels visant à leur présenter l’état d’avancement des affaires. Les clients ont ainsi fait la connaissance de plusieurs membres de l’équipe, ces derniers présentant à tour de rôle telle ou telle étape des projets. Ces rencontres ont, in fine, permis d’enrichir les relations clients par la prise en compte de nouveaux besoins et attentes.
Sans détricotage de l’organisation fantôme que j’ai découverte, toute tentative de reprise en main du pilotage opérationnel serait restée vaine. En effet, les multiples décalages managériaux produits par ce système parallèle avaient fini par fausser l’ensemble des relations professionnelles au sein de cette unité, jusqu’à mener certains éléments au burn-out. Néanmoins, une fois l’illusion dévoilée, une approche méthodique du mode de management et de l’organisation du travail a permis de réinsuffler confiance et engagement au sein des équipes.
[1] Pour en savoir plus sur la prévention du burn-out : consultez notre article dédié.
[2] Les cas de burn-out ont essentiellement touché des collaborateurs des fonctions support.
[3] Lors de la phase de diagnostic.