Comment (ré) instaurer les conditions de la confiance pour opérer la transformation ?
Les entreprises qui nous sollicitent recherchent notre expérience du management en situation complexe, notre expertise technique les rassurant par ailleurs. Mais notre plus-value tient aussi – et surtout ? – à notre capacité d’identification et de résolution des problèmes de communication et/ou de confiance qui empêchent les individus comme les équipes d’exprimer leur potentiel. Comment traiter ces problématiques fréquemment à l’œuvre quand on doit opérer la transformation ? La mission que j’ai menée dans une entreprise agro-alimentaire, l’illustre bien.
Quand un déficit de confiance et de communication susceptible d’altérer la transformation, transparaît
Quelques mots sur la mission elle-même, à plusieurs « étages ». Le premier objectif tient dans la reprise en main du contrôle de gestion, en utilisant au mieux les fonctionnalités de l’ERP mis en place trois ans auparavant. Sachant que, sur cette même période, le site a connu quatre contrôleurs de gestion successifs, incitant la direction à solliciter l’intervention d’un manager de transition.
La deuxième problématique concerne un projet de fusion entre le service de contrôle de gestion du site et celui d’une autre usine, distante de 5 km. Cette demande, issue du groupe auquel l’entreprise appartient, vise à mutualiser et optimiser les ressources des deux sites qui ne délivrent pas les mêmes produits, ce qui rend la standardisation des processus particulièrement ardue.
Je vais très vite comprendre que les difficultés rencontrées par les personnes en charge de ces dossiers avant mon arrivée n’ont pas été véritablement exprimées, suscitant un besoin de clarification et de confiance ou réassurance.
Expliquer la démarche et communiquer pour lever les inquiétudes
Quand j’arrive dans l’entreprise, je dispose d’une semaine pour émettre les données comptables du mois qui s’achève. Le contrôleur de gestion quitte ses fonctions au même moment. Je dois également gagner en véracité dans les chiffres. Je me plonge donc dans l’ERP afin de décortiquer l’ensemble des bases de données, en extrais certaines et les traite sous Excel. Ce premier Quick Win est renforcé par la communication que j’effectue aux membres du comité de direction, sur les écarts entre les chiffres théoriques et réels relatifs aux stocks. Le responsable logistique peut ainsi commencer ses inventaires tournants, sur la base de ces nouvelles informations.
Gagner en véracité dans les chiffres suppose d’identifier les sources des incohérences. L’équipe précédente ne pouvait y procéder du fait du contexte – et de la difficulté à utiliser de manière fluide l’ERP et les logiciels qui y sont connectés. De plus, les objectifs du groupe étaient importants, alors que d’autres services rencontraient eux-mêmes des difficultés à extraire les données.
En dehors de sa dimension technique, cette mission de transition a permis de restaurer la confiance en s’appuyant sur l’humain. J’ai bien expliqué la démarche pour lever les inquiétudes ; il faut savoir qu’en dehors du directeur financier groupe et du donneur d’ordre, personne n’avait été informé de mon arrivée dans l’entreprise, pas même le contrôleur de gestion Groupe ! Ce dernier aurait pu supposer beaucoup de choses… La communication étroite effectuée auprès du donneur d’ordre et les éléments d’analyse régulièrement transmis au comité de direction, ont permis de rétablir des relations de confiance.
Développer la coopération entre les parties prenantes
Cette confiance retrouvée était d’autant plus essentielle que la mission et le pilotage du service ont été réalisés à distance pendant le confinement, avec des réunions quotidiennes du comité de direction en visioconférence. Très vite, il a fallu trouver des solutions opérationnelles pour tenir compte d’un taux d’absentéisme élevé tout en répondant à la montée en puissance de la demande, et donc de la production [1]. En tant que manager de transition, je me suis également employé à rassurer l’équipe, à organiser son travail à distance.
Quant à la seconde problématique – la mutualisation des services de contrôle de gestion -, elle a pu être résolue grâce à la coopération et à une communication rapprochée, dans un climat de confiance. Mes échanges réguliers avec le contrôleur de gestion de l’autre site, initialement très réticent, lui ont permis de mieux saisir la démarche [2] ainsi que mon rôle dans cette dynamique. Nous avons donc entrepris d’identifier les tâches communes, pour les « rapprocher » afin de confier leur traitement à une même personne. D’un commun accord, nous avons décidé de laisser les éléments spécifiques aux deux activités industrielles en traitement indépendant.
Séquencer le traitement des problèmes afin de restaurer un climat de confiance constructif
À mes yeux, cette mission démontre l’importance d’établir un cahier des charges précis afin de cadrer les attentes et de les adapter au contexte. Les apports et l’usage que l’on peut faire d’un ERP dans une entreprise, méritent aussi, souvent, d’être rappelés ; ce sont la production et les services opérationnels qui doivent en bénéficier in fine, et non la comptabilité ! Enfin, pour comprendre l’origine de certaines « défaillances », il est important de se mettre à la place des collaborateurs : pouvaient-ils répondre aux multiples demandes et à la pression qu’ils subissaient, sans savoir comment extraire les informations pertinentes de l’ERP et les exploiter ? La réponse est non. Moyennant le fait d’avoir précisé les règles d’utilisation et de leur avoir permis de se les approprier, les contrôleurs de gestion du servcice peuvent désormais travailler efficacement avec le comité de direction.
La réussite de cette mission de transition doit beaucoup à la communication étroite que j’ai favorisée avec les services et directions, pour mettre en place des outils qu’ils puissent mobiliser. En prenant en compte l’humain et en redonnant confiance aux équipes, j’ai pu fédérer le collectif autour de la transformation des process et rendre chaque acteur plus efficace.
[1] Un contexte commun à de nombreuses entreprises du secteur agro-alimentaire durant cette période.
[2] C’était capital car il allait ensuite piloter la mise en place du nouveau service.