Comment restaurer la confiance et renouer la communication au sein d’une organisation ?
La mission de transition que je vous propose de parcourir s’est déroulée dans une entreprise du secteur agro-alimentaire. Mandaté pour assurer la continuité de la direction après le turn-over qu’a connu l’organisation à sa tête[1], je dois identifier les dysfonctionnements ayant conduit à l’échec du plan stratégique en cours. Que faire lorsque le cadre de confiance a été brisé ? Comment relancer la communication ? Je vous propose ici quelques leviers d’action, la capacité à recréer du lien s’avérant décisive.
Par Jean-Louis Picquette, manager de transition CAHRA
Pour pallier un déficit de confiance ou de communication, chaque membre du collectif de travail doit être reconnu pour sa valeur
Lorsque j’arrive dans cette entreprise de terroir, attachée aux circuits courts et aux produits régionaux, je réalise très vite que les multiples changements de dirigeant et/ou de direction stratégique subis par l’organisation ont profondément chamboulé les équipes. Les collaborateurs ne comprennent plus vraiment pourquoi ils travaillent. L’orientation prise par leur entreprise leur échappe, et leur relation avec « le dirigeant » s’est totalement délitée. Je précise que je fais ici référence à la fonction, et non aux personnes qui l’ont exercée. Une fonction qui leur apparaît comme vivant sur une autre planète ! La communication avec les personnels de terrain a en effet été rompue au fil des passages de témoin auxquels ils ont assisté. Or, dans une entreprise industrielle et, a fortiori, dans une usine, il est impossible de demander à des salariés de fabriquer des produits de qualité et de s’engager, si on ne les respecte pas et si on ne leur témoigne pas régulièrement de la reconnaissance.
Dès lors, dans cette mission de transition comme dans d’autres, je me suis attaché à bien « resituer » le rôle de chacun, à restaurer la confiance et à (re)donner du sens au travail effectué. Pour cela, un dialogue nourri avec les collaborateurs est indispensable. Par exemple, quand un salarié me dit que j’ai des responsabilités en tant que directeur de l’entreprise, je lui fais remarquer que lui aussi joue un rôle important dans le bon fonctionnement de l’organisation ! À ce titre, il a lui aussi de grandes responsabilités. Ainsi, face à un problème de qualité ou à un risque sanitaire, le rôle du salarié en question est absolument décisif. Dans le secteur agro-alimentaire en particulier, comme l’ont montré de récents scandales, toute négligence ou défaillance est susceptible d’avoir des conséquences catastrophiques. Chaque membre du collectif de travail apporte sa pierre à l’édifice, dans des configurations ou perspectives certes différentes, mais chacun est essentiel. Et sa contribution, tout comme ses compétences, doivent être reconnues et expliquées.
Une focalisation sur les objectifs s’avère délétère si elle laisse les salariés « de côté »
L’erreur ci-dessus est majeure, et pourtant nous la rencontrons lors de nos interventions. Un manager ne devrait en aucun cas se dire qu’il va pouvoir se consacrer aux objectifs opérationnels ou aux priorités de l’organisation, sans les partager avec les femmes et hommes qui vont les atteindre avec lui ! Nous tous, managers et managers de transition, ne sommes que les traducteurs de ce qui s’opère sur le terrain. Ceci est valable pour le commerce, la supply chain ou la livraison, la production, la maintenance ou la qualité. Quand la défiance remplace la confiance au sein d’un collectif de travail, la performance s’en trouve très vite affectée.
Lors de cette mission de transition, l’une de mes priorités a donc été de partager mon point de vue avec le Codir[2]. J’ai provoqué de l’échange pour, notamment, saisir au plus près la vision des cadres qui le composent. En réinstaurant une communication, j’ai également pu m’atteler à une autre tâche cruciale : donner un sens au travail que les personnes accomplissent sur le terrain. L’idée est à la fois de les doter d’une orientation, et de lignes de conduite à faire vivre au quotidien. C’est en se mettant en phase avec les managers et collaborateurs de l’entreprise, que l’on peut envisager d’aller plus loin. La confiance réciproque fait figure de levier-clé ! Sachant que, dans ce type de contexte, l’énergie requise l’est de la part de l’ensemble du collectif. Car une part même minime de collaborateurs « ramant dans le sens inverse » peut neutraliser les efforts engagés dans la transformation. D’où l’importance de donner un sens à ce qui doit être réalisé, notamment en montrant à ses interlocuteurs qu’ils sont pris en compte et en leur témoignant de la reconnaissance pour leur travail. Pour ma part, je remercie à chaque fois que quelque chose de positif se produit ! Cela semble peut-être excessif mais je crois indispensable que les personnels se rendent compte de ce qui devient parfois banal pour eux, alors que c’est vital pour l’entreprise. Et j’estime tout aussi indispensable de respecter les règles élémentaires de politesse ! Malheureusement, dans de trop nombreuses organisations, les dirigeants « omettent » d’aller saluer régulièrement leurs équipes…
Pourquoi le lien entre individus, dans l’entreprise, est-il primordial – dans une perspective de performance ?
Certes, les journées d’un dirigeant sont denses. Pour ma part, je passe jusqu’à douze heures par jour dans les locaux de la structure où je mène une mission de transition. Dégager dix à quinze minutes pour faire le tour des équipes et leur dire « Bonjour, comment allez-vous ? », ne me semble toutefois pas insurmontable ! Cela témoigne de l’intérêt que l’on porte aux salariés, et cela permet aussi de capter le langage verbal, para-verbal et non verbal – un précieux indicateur de leur état d’esprit, et/ou du climat social de l’entreprise. Car, très souvent, une personne va répondre « Ça va, merci », alors que ses expressions ou sa posture physique indiquent le contraire. En l’observant, le manager peut proposer au salarié « d’en parler ». Une fois sur deux, la personne va accepter ; une fois sur deux, elle en parlera mais à un autre moment. De cette « petite attention » vont naître les prémices d’une confiance qu’il conviendra ensuite de renforcer. Une dynamique positive se crée ainsi !
Cette mission de transition a mis en exergue l’importance de l’attention à accorder à chaque membre du collectif de travail. Peu à peu, grâce aux marques d’intérêt témoignées à chacun, un véritable dialogue a pu se renouer. Alors qu’un fossé s’était créé entre la direction au sens large et les salariés, la crise sanitaire – dont les moments les plus critiques sont intervenus en cours de mission – a prouvé que la confiance avait été restaurée. En effet, qu’ils aient dû travailler à distance ou sur site, j’ai perçu à cette période que les salariés savaient que l’on travaillait dans l’intérêt de tous – et de chacun.
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[1] Plusieurs dirigeants ont pris les commandes de l’entreprise en l’espace de quelques années seulement.
[2] Codir : comité de direction.