Communication et transformation de l’entreprise : la sincérité comme sésame – 1/2
Lors d’une mission de management de transition, le changement à opérer suscite un certain nombre de peurs. Comment les évacuer ? Il s’agit de délimiter le cadre de la transformation et d’adopter la posture adéquate. La phase de communication va donc s’avérer cruciale. Une communication qui doit se caractériser par sa sincérité et le respect de tous les interlocuteurs, pour fédérer le collectif autour d’un projet commun : transformer l’organisation.
Étape 1 : une communication marquée par la sincérité pour mobiliser les énergies nécessaires à la transformation
Quel que soit le contexte dans lequel s’engage le changement, celui-ci implique de rompre avec un mode d’organisation et des process bien connus. Conséquence logique : les collaborateurs sont déstabilisés. C’est donc à celui qui manage le changement – manager de transition ou dirigeant de l’entreprise – d’établir une communication sincère auprès des équipes pour cadrer le processus qui s’engage.
En amont de la mission de transition (ou la phase de changement plus globalement), il n’est pas rare que la communication ait entretenu un certain flou sur la situation en cours. À l’ère de la digitalisation et des réseaux sociaux néanmoins, les collaborateurs sont le plus souvent conscients des dysfonctionnements récurrents ou d’une dégradation du contexte économique, même si la communication interne reste muette. Ils accèdent à l’information par d’autres canaux.
La communication se fait d’autre part via l’expression orale ainsi que des signaux non verbaux – visuels, comportementaux. Si un manque de congruence a été détecté par les collaborateurs, ceux-ci vont adopter une attitude de résistance ou de rejet de manière intuitive. Cela commence par les membres du pouvoir d’influence – à l’œuvre dans l’organisation avec le pouvoir hiérarchique et le pouvoir de compétences[1] – avant qu’un phénomène de contagion ne s’étende à l’ensemble du collectif. Les forces vives de l’entreprise vont donc engager toute leur énergie dans la recherche d’un complément de vérité.
En parallèle, le dirigeant va lui aussi devoir déployer une énergie considérable pour maintenir son mode de communication « bricolé ». Comment contrôler l’ensemble de l’information qui circule dans son entreprise ? Toutes ses forces seront focalisées sur ce sujet, lequel n’a aucun rapport avec la transformation. Or le changement est avant tout une question d’énergie !
Pour mettre en mouvement l’ensemble du système, instaurer la confiance avec les équipes, ou la restaurer, grâce à la communication, est impératif – à l’instar de la confiance établie entre le manager de transition et le donneur d’ordres lors de la première phase d’une mission de transition, l’alliance.
Étape 2 : protéger les équipes et les considérer comme des partenaires à part entière
Quelle est la peur principale des collaborateurs face aux futurs changements ? Celle de voir la qualité de leur travail, leur implication ou leur motivation, remises en cause ; le besoin de reconnaissance sociale et professionnelle est profondément ancré en chacun de nous.
Impulser la transformation ne signifie pas désigner des responsables mais réunir et engager le collectif autour des actions à mener. Le rôle de la communication est de partager les problématiques ->
- en expliquant, par exemple, qu’un type de fonctionnement s’est avéré pertinent à un moment donné mais qu’il ne répond plus aujourd’hui à l’évolution de la demande.
Le fonctionnement en question ayant été voulu par le dirigeant, ce dernier doit obligatoirement assumer sa part de responsabilité.
Le registre émotionnel présidant à la communication est également important.
- Le regret de ne pas avoir atteint les objectifs générera de l’empathie au sein des équipes, le dirigeant s’exprimant ainsi : « La situation actuelle m’attriste, je me sens responsable de ce qui se passe. Nous allons déterminer comment faire tous ensemble. » Les collaborateurs auront envie de s’impliquer pour redresser la barre.
- À l’inverse, si le dirigeant fait preuve d’impatience voire de colère lorsqu’il communique, il risque de braquer ses interlocuteurs qui le ressentiront comme une attaque. Leurs réactions oscilleront alors entre le désengagement et le rejet.
Lors d’une mission, les managers de transition appliquent cette méthode garante de succès pour l’entreprise et le manager lui-même.
Étape 3 : déployer une communication sincère nécessite d’avoir bien préparé le processus en amont
Ce type de communication ne s’improvise pas car les mêmes éléments d’information doivent être transmis à l’ensemble du collectif.
Le premier critère à prendre en compte est celui de la taille de l’entreprise : si c’est possible, la communication directe est à privilégier. Le cas échéant, il s’agit d’identifier les managers capables d’agir comme des courroies de transmission pour relayer l’information auprès des équipes. Plus l’information sera sincère, plus elle sera facile à communiquer. Les arrangements avec la réalité mettront en revanche les managers « relais » dans l’embarras[2].
Il convient aussi d’observer comment cette phase de communication se déroule. Dans un tel processus, la vision de la réalité de chaque interlocuteur entre en jeu ; l’information doit donc descendre ET remonter, afin de pouvoir corriger le message s’il y a lieu.
Un second critère intervient alors : celui du temps, la situation pouvant nécessiter une communication urgente. Les relais devront être pris rapidement, même s’ils ne le sont pas parfaitement :
- Le dirigeant visera le partage du message et la remontée d’informations, en se gardant de juger la qualité de la communication effectuée par les managers[3] – au risque de voir ceux-ci ne rien lui retransmettre.
- Il y parviendra en adoptant une posture d’écoute induisant de toujours chercher à comprendre.
Lors de l’alliance, le manager de transition a précisément éveillé le donneur d’ordres à l’importance de travailler sur l’ajustement et non sur le jugement, de façon générale, en termes de management. Ingrédient clé du métier de manager de transition, ce type de posture est également requis dans la 2e phase de la communication, qui porte sur les enjeux et les objectifs de la transformation.
[1] Dans l’entreprise coexistent l’entité de pouvoir formel – le pouvoir hiérarchique et de sanction – et l’entité de pouvoir informel, faite du pouvoir physique, d’information et d’influence. La troisième entité, de compétences ou de création de valeur, est celle dont le manager de transition va viser l’émergence via les leaders naturels – objets d’un autre article.
[2] De telles situations, si elles se prolongent, peuvent aboutir à une perte de sens au travail et conduire vers le stress chronique voire le burn-out.
[3] Certains managers seront moins à l’aise dans cette mission de communication pour des raisons techniques, humaines ou en raison d’un manque d’expérience. Si la communication est sincère, ils seront néanmoins capables de l’effectuer.