Coopératives agricoles : quel chemin de réussite pour demain ?
Pour répondre aux attentes des consommateurs, le secteur agro-alimentaire doit faire preuve de créativité et de réactivité. Les goûts comme les envies changent de plus en plus rapidement. Pour les coopératives agricoles, les défis sont nombreux pour continuer à recueillir les faveurs des agriculteurs comme des consommateurs. Décryptage par Stanislas Martin, manager de transition H3O spécialiste du secteur agro-alimentaire.
Pourquoi les coopératives agricoles ne sont-elles pas des acteurs comme les autres du secteur agro-alimentaire ?
Sur le marché, on distingue les groupes alimentaires, qualifiés d’entreprises privées, de la coopérative agricole, modèle créé il y a 150 ans (définition de la coopérative agricole : https://www.lacooperationagricole.coop/definition-cooperation-agricole/cooperation-agricole-c-est-quoi). Cette dernière a un statut de « société particulière ni civile ni commerciale ». De manière plus opérationnelle, des agriculteurs se regroupent pour mutualiser les moyens de production, de transformation et de commercialisation. Chaque membre est sociétaire de l’organisation qui repose sur le principe « Un homme, Une voix ». Aujourd’hui, les 2 600 coopératives, avec leurs 160 000 salariés, représentent 40 % du marché agro-alimentaire.
Le modèle est-il encore pérenne dans une situation de production excédentaire désormais structurelle ?
Les entreprises privées du secteur ont une stratégie économique calquée sur le marché : adaptation permanente des produits aux attentes des consommateurs et achat des ressources en fonction de leurs besoins. Le modèle de la coopérative agricole est historiquement différent : la production de l’agriculteur achetée par la coopérative se fait en fonction du volume. C’est ensuite de la responsabilité de la coopérative de trouver les débouchés. Cette responsabilité est collective. Mais à titre individuel, chaque coopérateur n’a pas intérêt, dans le court terme, à casser ce mécanisme qui lui assure une rémunération qui augmente s’il produit plus. La surproduction et les changements dans les habitudes de consommation mettent à mal ce modèle depuis les années 2000.
Quelles sont les tendances fortes en matière de consommation alimentaire ?
La viande et le lait sont clairement en perte de vitesse. En 2003, les Français consommaient 61 litres de lait en moyenne chaque année, contre 51 en 2015, soit moins 15 %. Pour la viande, c’était 94 kg en équivalent carcasse (kgec) par an en 1998, contre 86 en 2014. Les consommateurs se tournent davantage vers des produits végétaux, y compris à base d’algues, et des produits biologiques, avec une attente forte de produits transformés, comme c’est le cas pour l’exemple emblématique du steak végétarien. L’attention portée aux circuits de production est de plus en plus aiguë avec le développement de réseaux alternatifs comme celui des AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Ce modèle présente l’avantage pour les agriculteurs d’avoir des marges plus importantes dans ce tandem « du producteur au consommateur ».
Comment les entreprises privées prennent-elles, pour leur part, en compte ces évolutions du marché ?
Les groupes alimentaires, qui commercialisent des marques très connues des consommateurs, font preuve d’une forte réactivité. Un exemple : leur recherche acharnée de producteurs de lait qui se sont convertis au bio. Or l’offre ne suit pas, notamment parce qu’un agriculteur peut estimer, sur le court terme, qu’il est plus intéressant de continuer à fournir la coopérative. La résistance au changement n’est pas négligeable. Les investissements des entreprises privées dans les démarches de labellisation sont par ailleurs très rentables. Les coopératives agricoles empruntent également ce chemin, mais pas aussi rapidement. La qualité génère de la marge.
Pour garder leur place et leur rôle, quels sont les choix décisifs à opérer ?
Les coopératives agricoles doivent réinvestir les segments à forte valeur ajoutée. Les collaborations avec les marques de distributeurs (MDD) par exemple les privent d’une notoriété auprès des consommateurs. L’exportation vers des marchés étrangers est aussi un vecteur de risques. Le mot d’ordre aujourd’hui est de produire mieux et au plus proche des circuits locaux, en se saisissant des questions d’innovation et de marketing. La viabilité de nombreuses exploitations agricoles à cause de ce que l’on appelle les « scandales alimentaires » peuvent secouer violemment le secteur. Les retournements de conjoncture sont rapides dans ces situations, car les consommateurs sont extrêmement sensibles à ce qu’ils ingèrent.
A propos de Stanislas Martin
D’abord responsable d’un haras de purs sangs en Normandie, Stanislas Martin a ensuite exercé des fonctions dans la logistique et la production pour plusieurs abattoirs. Il a également été directeur d’un site d’élevage de volaille et a dirigé une plate-forme d’une enseigne de la grande distribution. Depuis plus de 10 ans, il intervient comme manager de transition (définition du Management de Transition selon la FNMT) pour H3O management de transition sur des secteurs comme l’élevage de poisson, la cosmétique, les compléments alimentaires ou encore le transport de produits frais.