[Q/R] Les défis de la reprise : vers un nouveau modèle d’entreprise et de culture managériale ?
Les conséquences de la crise sanitaire sont d’ores et déjà multiples. L’accélération des réflexions autour de la transformation de l’organisation ou du sens au travail, en fait partie. Quelle analyse réaliser des situations inédites que nous venons de vivre ? Quelles opportunités de changement en dégager et comment fédérer les équipes autour d’un nouveau projet commun ? Retour sur le webinar [1] proposé et co-animé par Steven Poinot, fondateur & CEO de Humanely, et Emmanuel Buée, dirigeant-fondateur de CAHRA management de transition, autour des défis de la reprise.
En quoi l’épidémie récente que le monde a dû affronter agit-elle comme un révélateur pour les entreprises ?
La crise a questionné leur capacité à réagir à l’urgence et à s’adapter. C’est finalement le modèle même de l’entreprise qui est interrogé aujourd’hui. L’un des enjeux de la reprise concerne la quête de sens généralisée : nous avons vécu un moment exceptionnel qui a déclenché des questionnements personnels, notamment sur le sens du temps dédié au travail. Un autre enseignement de cette crise est celui du mouvement perpétuel : le travail s’organise et se réorganise, de nouveaux repères sont à peine mis en place qu’il faut en trouver d’autres. Les prochaines semaines seront sans doute décisives pour les entreprises : il y a des risques de démissions liées au décalage entre les valeurs personnelles et celles de l’organisation. En tout état de cause, l’immobilisme pour ne pas prendre de risque n’est pas meilleur pour la santé de l’entreprise.
Effacement des frontières – personnelle et professionnelle -, risques psychosociaux accrus, incompréhensions et tensions liées aux différences de traitement des salariés : dirigeants et DRH vont devoir être très vigilants pour accompagner la reprise, en misant sur un accompagnement de proximité par les équipes support et les managers.
Quels sont les principaux écueils managériaux associés à la reprise ?
D’après une étude menée par Empreinte Humaine et Opinion Way, après six semaines de confinement, près d’un salarié sur deux est en situation de détresse psychologique élevée. Dans les prochains jours, un questionnement risque de monter en puissance : « Mon entreprise m’a-t-elle soutenu pendant la période de confinement ? ». Il y a là une urgence à sonder les collaborateurs pour analyser la situation avec clarté et identifier les actions prioritaires. C’est un défi humain et managérial.
La météo émotionnelle est ainsi un excellent moyen pour prendre le pouls du collectif, et cela dès la reprise. Cette mesure des états émotionnels, en début de chaque réunion, permet de favoriser la compréhension mutuelle, une meilleure communication, et in fine l’efficacité collective. Une telle dynamique nécessite un cadre bienveillant et une certaine maturité pour utiliser cette démarche de manière vertueuse et positive.
N’est-il pas périlleux de chercher à mettre en œuvre des concepts que l’on ne connaît pas, dans cette période déjà chahutée ?
En ce qui concerne la météo émotionnelle, l’approche est vraiment simple et peu coûteuse. Un coach en dynamique collaborative peut se révéler utile [2] afin d’animer, durant deux à trois séances, ce type de processus en autonomie. L’investissement reste minime en soi, et encore davantage au regard des bénéfices à récolter presque instantanément !
Comment positionner son entreprise et manager dans un contexte incertain ?
Aussi difficile soit-elle, la reprise est aussi porteuse de formidables opportunités pour opérer le changement. La création de valeur économique a toujours été le modèle dominant des entreprises ; celles qui placeront au cœur de leur modèle la création de valeur sociale ou environnementale généreront de la valeur économique durable. Les modèles altruistes et à mission seront sans doute les plus pérennes demain. S’engager dans des pratiques managériales coopératives et collaboratives est un enjeu de crédibilité sociale ; pour fédérer l’interne sur ce chemin, il s’agira de co-construire, avec les équipes, une raison d’être sincère et claire. L’intelligence relationnelle et l’approche systémique sont au cœur de ce travail essentiel de remise en question. Pour (re)fédérer l’interne, il faut d’abord définir les éléments essentiels qui guident les hommes et les femmes.
Quelle stratégie adopter dans ce contexte imprévisible pour accompagner la reprise ?
Selon le concept de la performance collaborative, au cœur du modèle de Tuckman, la manière dont nous réalisons notre travail dépend de la qualité des relations avec nos collègues. Lorsqu’une équipe est constituée, elle connaît plusieurs phases : le forming, soit l’enthousiasme du début ; le storming, quand personnalités et avis se confrontent ; le norming, la phase de structuration ; et le performing, grâce aux alignements créés. C’est une boucle perpétuelle : chaque changement dans le système génère un tour de boucle, dont l’issue a des conséquences en termes d’efficacité et de performance.
Dans les prochaines semaines, le risque existe d’une perte de repères individuels et collectifs ; les entreprises attentives aux ressentis personnels et aux dynamiques collectives (comme celle du modèle de Tuckman) seront certainement les mieux armées pour réussir la reprise.
[1] Webinar humanely Gérer la reprise : Comment (re)fédérer les équipes et construire autrement demain ? – accessible en replay.
humanely propose une solution d’écoute des collaborateurs pour accompagner le changement, qui inclut notamment un baromètre social.
[2] Le groupe CAHRA, au travers de ses différentes entités (CAHRA, humanely, Le Chalet QVT) dispose de coachs qui réalisent ce type d’accompagnement.