Des DRH de transition témoignent
Qui sont les DRH de transition ? Quelles sont leurs motivations, leurs contraintes ? Qu’apprécient-ils dans leurs missions ? Témoignages.
Devenir DRH de transition ne fait généralement pas partie d’un plan de carrière. « La majorité sont sur le marché du travail quand je les rencontre pour la première fois », constate Emmanuel Buée, dirigeant associé de Cahra, cabinet spécialisé dans les RH et l’industrie, un des rares à employer des managers de transition en CDI. Pour autant, ceux qui restent dans le métier le font vraiment par choix. Avec quinze années de missions au compteur, Pierre-André Bidault, qui a connu aussi la vie de DRH en CDI, le reconnaît : « Je fais du management de transition parce que, fondamentalement, je suis un homme de projet, je n’aime pas gérer le quotidien. »
Même constat de Jean-Michel Laborie, devenu DRH de transition il y a dix ans, après vingt ans de carrière dans des entreprises du secteur du bâtiment (Bouygues immobilier, Unibéton…). « Après deux ou trois missions, je me suis pris au jeu et installé dans cette façon d’exercer. J’aime faire mon métier sous forme de gestion de projet. » À tel point qu’il a déjà refusé plusieurs propositions de CDI à la fin d’une mission.
Une diversité appréciée
Stéphane Rostand, lui, apprécie la diversité des expériences. « Changer d’entreprise et connaître de nouveaux contextes est à la fois motivant et passionnant », estime ce manager qui met au service des entreprises son expérience de trente ans dans les RH (dans des filiales de Thomson et d’Air France, puis au groupe Malakoff). Débarrassés des enjeux de carrière du DRH en CDI, ils apprécient la liberté dont ils jouissent. Liberté de choisir – pour les plus aguerris – leur mission. « Il m’arrive de refuser celles qui ne me paraissent pas réunir les conditions de la réussite et dans lesquelles je ne pourrai pas déployer les valeurs de respect, de courage et de bienveillance qui sont les miennes », déclare Régine Pailhès-Roset, DRH de transition depuis cinq ans, après une carrière dans trois grands groupes (Danone, Avenus et Temex). Même état d’esprit chez Pierre-André Bidault : « Dès lors que je ne me sens pas à l’aise intellectuellement pour défendre les objectifs d’une mission, je ne la prends pas. » Le choix des problématiques RH n’est cependant pas infini, chacun finissant par se spécialiser. Jean-Michel Laborie est connu pour son expertise en conduite des plans sociaux (50 % de ses missions), Pierre-Alain Bidault pour gérer les situations de fusion et d’amélioration du climat social, de même que Stéphane Rostand.
Liberté d’action
Liberté de ton et d’action aussi, dont ils assurent ne pas se priver. Pierre Alain Bidault raconte être allé jusqu’à envisager la rupture pour faire évoluer une situation ; « 11n’y a qu’un manager de transition qui peut se le permettre. » Stéphane Rostand a obtenu d’une direction qu’elle renonce à des licenciements déjà programmés dans deux usines ; «Cela ne s’imposait ni socialement, ni économiquement, et j’ai proposé au DG une solution alternative. Quand on est salarié, on est très discipliné. La position décalée du manager de transition, un peu comme un consultant, permet de ne pas tenir pour acquis les avis des administrateurs. » La contrepartie, c’est beaucoup de travail, parfois loin de chez soi, et dans un contexte de crise
ou d’urgence. « Il m’est arrivé, pour un plan social, d’arriver la veille du CE, témoigne Jean-Michel Laborie. Il faut tout de suite faire ses preuves. » Sans compter les difficultés qui ne manquent pas de surgir dans de telles situations. Certains cabinets spécialisés (X-PM, Valtus, H30. ..) mettent en place un accompagnement du DRH de transition pendant toute la durée de sa mission, qui peut durer jusqu’à dix huit mois.
De précieux échanges
« Il est très précieux d’avoir cet échange pour garder une distance et ne pas être absorbé par le quotidien. En tant que DRH, je donne un feed back à mes collègues pour leur permettre d’avancer. Ce feed back, j’en ai besoin moi aussi. L’associé en charge de l’accompagnement est notre DRH à nous », témoigne Régine Pailhès Roset, à propos du cabinet Valtus.
Associé chez X-PM, Bruno Colomb joue ce rôle de soutien auprès des DRH en mission :« L’accompagnement est fondamental, car le DRH est quelqu’un d’assez seul et certaines missions peuvent être lourdes émotionnellement », confirme-t-il.
Autre difficulté à surmonter : les intermissions, qui peuvent durer plus ou moins longtemps. Une source de stress, surtout pour les débutants, tel ce DRH de transition, entré dans le métier en 2012, et qui souhaite conserver l’anonymat : « La fin d’une mission est très douloureuse à vivre : on passe d’une période où l’adrénaline est au plus haut à une période d’incertitude. C’est d’autant plus frustrant que le cabinet qui m’a missionné m’avait fait miroiter un CDI chez le client et que cela ne s’est pas produit. Je crois que, pour réussir dans ce métier, il faut se mettre dans l’optique que toute mission a une fin. » Les plus expérimentés confirment : rechercher un CDI à travers sa mission risque de la compromettre. Emmanuel Buée l’explique ainsi : « Un manager de transition est là pour introduire le changement. S’il a besoin d’être reconnu par l’organisation, il ne va pas la changer. Il est nécessaire de se détacher de ses enjeux personnels pour réussir. » Alors, pendant les intermissions, chacun a sa stratégie : cultiver ses réseaux à travers l’adhésion à des clubs ou associations – Jean-Michel Laborie, par exemple, est trésorier de l’ANDRH – alterner avec du conseil (beaucoup créent leur propre structure uniquement pour cela)… ou profiter tout simplement d’une période d’accalmie avant la mission suivante.