Développement des compétences : un défi prioritaire pour toute organisation ?
Dans un environnement chahuté par de multiples transformations auxquelles s’ajoutent les bouleversements liés à la crise sanitaire, les organisations prennent conscience de l’enjeu que représentent pour elles les compétences de leurs collaborateurs. Toutefois, la traduction opérationnelle reste insuffisante en termes d’acquisition et de renouvellement des savoirs, savoir-faire et savoir-être. Entreprises et collaborateurs doivent-ils co-construire leur développement des compétences ? Comment passer des intentions aux actes ?
Le développement des compétences devient de plus en plus stratégique pour les organisations
Selon l’édition 2021 du Baromètre des DRH réalisé par Gras Savoye Willis Towers Watson, RH&M et ABV Group, 88 % des DRH interrogés estiment que leur priorité est de soutenir et d’accompagner la transformation de leur organisation – une transformation déjà engagée mais accélérée par la pandémie. Pour y répondre, 92 % d’entre eux placent le développement des compétences au cœur de leur politique de gestion des talents.
Bien que cet enjeu ne soit pas nouveau, les solutions à apporter aux besoins et désirs d’évolution des collaborateurs ont changé. La crise sanitaire a en effet fait émerger, chez nombre de personnes, des questions sur leur rôle au sein de leur organisation, voire dans la Société. Dès lors, les entreprises doivent redonner du sens à leurs collaborateurs en les impliquant davantage, en les motivant et en les invitant à se former.
Face aux réorganisations qu’il a fallu opérer en raison de la montée en puissance du télétravail et/ou de l’hybridation des équipes [1], de nombreuses entreprises ont par ailleurs saisi l’importance de l’efficacité relationnelle dans le maintien de la performance. Les soft skills font ainsi figure de compétences clés, de l’intelligence relationnelle et émotionnelle à la coopération ou à la communication – à distance notamment. Retrouver le plaisir de travailler ensemble s’avère décisif.
Au-delà de l’impact de la crise sanitaire, la nécessité d’équiper les individus et les équipes en compétences est indéniable, en fonction du contexte dans lequel ils évoluent et des situations auxquelles ils doivent – et devront – faire face. Et le besoin de renouvellement s’accélère !
Une bonne connaissance du patrimoine de l’organisation et des actions coordonnées, sont indispensables
En termes de formation, une pluralité de dispositifs et de modalités peut être mobilisée, à l’image de la formation en situation de travail (AFEST) – reconnue par la loi du 5 septembre 2018 -, d’ateliers de coaching ou de l’apprentissage entre pairs, notamment.
Toutefois, avant d’engager des actions de formation, encore faut-il savoir de quelles compétences chaque collaborateur et chaque équipe disposent ! Ces éléments sont ensuite mis en perspective des besoins identifiés de l’entreprise, en fonction de l’évolution de son marché et de son environnement. Un outil tel que le référentiel de compétences – qui permet de connaître précisément le patrimoine de l’organisation, d’identifier des talents inexploités ou de repérer d’éventuels manques au niveau collectif, en vue d’opérer des recrutements -, s’inscrit dans une démarche de GEPP (ex-GPEC [2]) ajustée et dynamique. Cette politique gagne à être partagée dans toutes les strates de l’organisation. Rappelons que l’on « n’envoie pas des gens en formation » contre leur gré ou du moins, qu’on ne devrait pas le faire !
D’ailleurs, l’un des défis pour les services RH consiste à s’assurer que les formations suivies entraînent un développement effectif des compétences. Mis au point en 1959 et révisé en 2010, le modèle Kirkpatrick peut y contribuer, avec ses quatre niveaux d’évaluation : la réaction – soit le niveau de satisfaction des participants ; l’apprentissage – c’est-à-dire l’acquisition de connaissances ; le comportement – par l’application de ce qui a été appris en situation de travail ; et les résultats – les objectifs de la formation sont-ils atteints ? Sachant que sa version révisée met l’accent sur la pertinence du contenu de formation et le niveau d’implication de l’apprenant.
Le défi du développement des compétences nécessite l’engagement des managers
Les managers opérationnels ont en effet un rôle d’animation de leur équipe décisif à cet égard. L’approche peut être plus ou moins formalisée, plus ou moins collective. Le débrief d’un projet, par exemple, donne l’occasion d’identifier des points forts et ce qui a pu manquer en termes de soft skills ou de savoir-faire métier. Organisé tous les deux ans (et obligatoire), l’entretien professionnel représente également un bon cadre pour faire le point. Plus globalement, un état d’esprit propice à la curiosité favorise la prise de conscience par les collaborateurs de la nécessité d’élargir leur horizon… et de renouveler leurs compétences. Sachant que le bon positionnement d’une personne à un poste donné est gage de son ouverture à de possibles évolutions.
Si une formation est envisagée, le manager doit partager des éléments d’appréciation au collaborateur afin qu’il saisisse le/s bénéfice/s qu’il pourra en retirer – en coordination avec le service RH, s’il y en a un. De nombreux préjugés subsistent encore sur la formation, vue comme « descendante » et sans la moindre interactivité. Or les parcours et sessions sont de plus en plus nourris de pédagogie active et expérientielle !
Par ailleurs, l’engagement véritable dans une formation dépend beaucoup de la préparation effectuée en amont de celle-ci (recueil des attentes du collaborateur) et de l’échange réalisé avec le manager. Celui-ci peut en effet donner de la visibilité sur les retombées du développement de compétences envisagé : possibilités d’application, opportunités d’évolution, etc. Attention à ce que cela se traduise dans la réalité, une fois la formation achevée !
Chaque collaborateur doit devenir acteur de son employabilité
Le « Shu-Ha-Ri », principe d’apprentissage des arts martiaux japonais, répond à une logique vertueuse: d’abord, on expérimente ce que l’on nous demande de faire, sans en saisir tout le sens ; puis la compréhension s’installe, progressivement ; enfin on s’adapte à ce qui nous a été transmis tout en apportant une contribution à la chaîne de valeur. Cette dynamique positive peut nourrir l’envie de progresser des collaborateurs, qui ont un rôle à jouer – notamment en s’interrogeant sur la manière dont ils développent le mieux leurs compétences : formation « classique », AFEST, codéveloppement professionnel…
Les organisations ont donc tout intérêt à opérer en « facilitatrices » du développement des compétences, laissant la possibilité aux salariés de se positionner. La loi Avenir professionnel de 2018 va d’ailleurs dans le sens d’une responsabilité partagée dans le maintien de l’employabilité, avec la facilitation de l’abondement du compte personnel de formation (CPF) par les entreprises, depuis l’automne 2020. Un engagement plus direct des collaborateurs [3] est également visé grâce à des leviers qu’ils peuvent eux-mêmes actionner, bien qu’un accompagnement reste nécessaire le plus souvent.
Une démarche de co-construction entre toutes les parties prenantes est essentielle pour favoriser une culture du développement – et du renouvellement – des compétences. L’entreprise se doit d’avoir une compréhension précise des enjeux auxquels elle fait face, afin d’y répondre de façon agile. Un impératif : associer aux démarches les différentes strates de management ET les collaborateurs.
[1] On parle de mode d’organisation du travail hybride quand une partie des collaborateurs sont en télétravail et d’autres en présentiel, au sein d’une même équipe ou structure.
[2] GEPP : Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels. GPEC : Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences.
[3] Et des actifs en général.
Article rédigé avec le concours de Mylène Ridel, manager de la dynamique collaborative chez CAHRA management de transition, et Emmanuel Darcourt, manager de transition CAHRA.
BIOS EXPRESS
Manager de la dynamique collaborative chez CAHRA, Mylène Ridel a fondé la société SMYLE, qui accompagne les organisations dans le développement de la communication, du travail collaboratif et de l’intelligence collective au sein de leurs équipes. Passionnée par les relations humaines, elle dispose d’une certification de praticienne PNL (Programmation Neuro Linguistique) et d’un diplôme de coach professionnel (reconnu RNCP niveau 1; Bac+5). Mylène Ridel travaille aussi en tant que formatrice et coach avec Le Chalet QVT.
Manager de transition CAHRA depuis 2016, Emmanuel Darcourt dispose d’une vaste expertise en matière de continuité des opérations et de gestion de projets complexes, dans le domaine de l’industrie et de la prestation de services. Auparavant, il a dirigé une entreprise française du secteur métallurgique, après avoir été Directeur Général d’une filiale à l’étranger, Responsable Maintenance / Qualité et Ingénieur Process dans une société internationale d’emballages métalliques, notamment.