Direction d’usine et transformation : le management de transition, une bonne option ?
Dans le management de transition, il arrive que les missions s’enchaînent. Ainsi, l’usine dont je vais assurer la direction appartient à un groupe dans lequel CAHRA intervient déjà [1]. Missionné par la direction générale et la direction industrielle, en accord avec le directeur de site que je vais remplacer, je dois me faire accepter des équipes, les remobiliser et initier les premiers changements. Comment opérer ? Suivez mes pas.
La problématique : une direction d’usine qui pâtit de la double casquette de celui qui l’assure
Exercer la responsabilité opérationnelle du site tout en assurant le pilotage de la qualité et de la R&D pour l’ensemble du groupe, telle est la mission – impossible – confiée au directeur de l’usine dans laquelle je vais déployer l’approche et la méthodologie du management de transition. Car chacun de ces postes nécessite de s’y investir à plein temps ! Il en résulte une insatisfaction du groupe – pour lequel « ça ne délivre pas à la vitesse attendue » – et des collaborateurs de l’usine, qui estiment que leur patron n’est pas assez présent sur place pour réaliser les transformations nécessaires et leur permettre de travailler dans de bonnes conditions.
Conscients du problème, le DG groupe et le directeur industriel ont décidé de recruter un nouveau directeur de site, sans parvenir à trouver la personne adéquate. D’où le recours à un manager de transition pour « libérer » leur collègue du CODIR. Les collaborateurs de l’usine s’habitueront ainsi à un nouveau type de direction et de management, sachant que le directeur de l’usine était à sa tête depuis une dizaine d’années.
Sur le site, le « passage de témoin » s’effectue dans d’excellentes conditions. Au bout d’une semaine, bien que je n’aie absolument pas la prétention d’être 100 % autonome, les collaborateurs ont bien compris que je dispose des clés.
La résolution de problèmes : 1) le management de transition pour remettre les équipes en mouvement
Lorsque j’entame cette mission de transition, les ventes n’ont pas atteint les volumes attendus, ce qui met l’usine en négatif par rapport au budget prévisionnel [2]. Il faut savoir que le site tourne 24h/24, 7 jours sur 7, via plusieurs équipes en semaine et le week-end. Alors que le recrutement d’un nouveau directeur tarde à se concrétiser, les collaborateurs apparaissent démotivés. Dans leurs attentes figurent : une évolution de l’organisation du site ; une nouvelle dynamique managériale ; des réponses sur l’avenir de l’usine et le leur.
Le simple fait de me voir présent sur le site, engagé chaque jour dans l’opérationnel avec eux, « au pied des machines », génère un contact et une atmosphère agréables. Une complicité naît, dans une perspective d’efficacité.
La résolution de problèmes : 2) le management de transition pour amorcer la transformation
Ce volontarisme que je transmets aux équipes produit très rapidement des résultats. Le site devient ainsi celui « où les collaborateurs sont toujours volontaires » pour faire un effort en vue de produire plus, ou pour modifier les habitudes ! Le fait de me sentir déterminé à les soutenir influe sur ce changement radical, tout comme l’alliance établie dès les premiers contacts, non seulement avec les dirigeants mais aussi avec les équipes. Notez qu’il s’agit là d’une étape clé dans une mission de management de transition. Le fait de relancer des actions, des projets à peu près dans tous les domaines, de prendre les dossiers à bras-le-corps, de partager les problématiques et de cultiver la réactivité, contribue fortement à la remobilisation générale.
En parallèle, je commence à identifier les collaborateurs disposant d’un potentiel pour aller plus loin et qui, jusqu’à présent, n’ont pas réussi à se développer. Idem pour les personnes en souffrance, à accompagner. Tout cela génère une énergie, une dynamique positive, vite contagieuses !
Sur le plan opérationnel, la production se câble pour répondre à des demandes de volumes importants ; sur le marché interne de cette entreprise, il est important d’être le premier à se déclarer disponible. Les efforts relatifs à la R&D sont également relancés car il est crucial de proposer et d’accompagner de nouveaux produits. Une attention toute particulière est accordée aux opérations de maintenance, indispensables pour permettre à l’usine de tourner 24h/24 à pleine capacité. Pour garantir un outil en bon état [3], certaines dépenses sont requises et les équipes techniques doivent en outre pouvoir anticiper grâce aux échanges avec les opérateurs travaillant sur les machines, notamment.
Mon objectif personnel au cœur de cette mission : que les salariés touchent de l’intéressement
L’année précédant mon arrivée, l’accord d’intéressement [4] a été renégocié et un palier minimal a été fixé. Or, lorsque je débute la mission, ce seuil risque de ne pas être franchi. Deux risques planent donc sur le site – 1) que les primes d’intéressement soient supprimées 2) que les représentants du personnel aient le sentiment d’avoir été bernés par l’accord – alors même qu’une mobilisation maximale est requise !
Toutes les actions engagées et toute l’énergie déployée permettent heureusement à l’usine de repasser en positif et même, de dépasser largement le seuil requis. Une amélioration qui se traduit à tous les niveaux – audit qualité, satisfaction clients, volumes et résultats financiers, conditions de travail. À cet égard, j’ai effectué des rappels permanents sur l’importance de se ménager, la pression s’avérant importante dans ce type d’entreprise et de secteur.
Une mission de management de transition étant par nature temporaire, mon travail ne se limite pas à la production de bons indicateurs ni même de résultats satisfaisants. Je prépare donc « la suite » avec le donneur d’ordres – prévisions de budgets, définition de l’organisation future, élaboration des reportings.
Au cours de cette mission, les collaborateurs ont repris confiance en eux en s’investissant dans des projets. Tel est le credo du management de transition version CAHRA : opérer la transformation avec les femmes et les hommes de l’entreprise. Un manager de transition n’est pas un magicien – d’ailleurs, c’est le rôle du Père Noël que j’ai joué lors de la fête de fin d’année de l’usine ! – mais il dispose d’une mosaïque de compétences, d’expériences et de méthodologies pour réussir là où d’autres ont pu échouer avant lui.
[1] Dans une autre usine du groupe.
[2] Dans le secteur agroalimentaire, et notamment pour le métier spécifique de cette usine, les bénéfices sont conséquents dès que les ventes dépassent les volumes prévisionnels. Idem dans le sens inverse.
[3] À terme, la maintenance prédictive devrait se développer : elle permet de changer de logique de flux (poussé => tiré). Quand une machine émet des signaux reflétant une panne probable à court terme, le fournisseur intervient et seulement dans ce cas-là. L’intervention est donc déclenchée par l’état réel de l’actif.
[4] En l’occurrence, il s’agit d’un accord d’intéressement sur les résultats de l’entreprise (indicateurs quantitatifs financiers et comptables).