Intelligence artificielle : la prochaine révolution du management ?
Rationalisation et amélioration des processus, délégation de tâches à faible valeur ajoutée, analyses croisées d’un grand nombre de données… Les promesses de l’IA, qui commencent à se traduire sur le terrain, s’appliquent aussi au domaine organisationnel et managérial. Plusieurs tendances se démarquent pour aider à mieux encadrer les équipes ou à prendre des décisions éclairées – même s’il faut « raison garder » en matière d’intelligence artificielle.
Comment définir l’IA ?
Selon les instances européennes, l’intelligence artificielle représente toute machine à même de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». La terminologie peut être plus englobante, concernant alors toutes les théories et technologies dédiées à la production de machines capables de simuler la cognition humaine. Plusieurs domaines de recherche sont mobilisés depuis les travaux pionniers d’Alan Turing, dans les années 1940 : les mathématiques et les sciences numériques bien sûr, pour concevoir et perfectionner des algorithmes, mais aussi la philosophie[1] ou les neurosciences.
Aujourd’hui, l’IA intéresse fortement le monde de l’entreprise pour ses déclinaisons opérationnelles : optimisation de la gestion de façon générale (systèmes d’identification, de mise en relation ou de classement), rédaction de résumés et synthèses, génération d’images, reconnaissance des objets, traduction automatique, gestion des processus métiers – en association avec les robots d’autonomisation des processus (RPA) par exemple. La liste est non exhaustive !
Quand l’IA s’invite dans le monde du management et des RH
Dès à présent, et bien plus encore dans un futur proche, l’intelligence artificielle est donc amenée à transformer les processus organisationnels, ainsi que les missions des fonctions support et/ou opérationnelles. L’activité des managers va s’en trouver bouleversée, dans le cadre du recrutement – tout comme celle des professionnels RH dédiés –, du pilotage des équipes ou de la montée en compétences des collaborateurs. Tout cela dans une logique d’appui et non de « remplacement », du moins à court terme.
Comment les managers peuvent intégrer l’IA dans leur quotidien
L’usage le plus évident, et incontournable, concerne la prise en charge de tâches administratives – avec un risque d’erreur fortement réduit, et un gain de temps précieux. Cécile Dejoux, professeure au Cnam et auteure de Ce sera l’IA et moi (Vuibert, 2020), cite notamment « le classement de fichiers, la création de sites web, les réponses via la recherche de base de données, la mise en place de systèmes d’alerte et les prédictions des ventes».
Mais l’intérêt de l’intelligence artificielle dépasse largement ce cadre : elle représente une véritable opportunité d’assistance pour les managers, en vue d’identifier les parcours de formation dont les membres de leurs équipes ont besoin, ou pour définir les tâches à leur confier dans le cadre d’un projet transverse. Entre autres !
Animation d’équipe et prise de décision, deux activités managériales qui bénéficient de l’IA
L’encadrement des collaborateurs implique de multiples missions quotidiennes, comme la gestion des plannings et des absences, qui peuvent bénéficier du concours de solutions digitales enrichies d’IA, plus performantes que les solutions mobilisées jusqu’à présent. Autre exemple : le suivi de l’activité des salariés, l’intelligence artificielle générant automatiquement des reportings dont les managers pourront extraire des données pertinentes – en vue de les analyser et d’identifier des axes de progrès.
Quant à l’un des sujets majeurs de la politique RH, la QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail), elle peut aussi tirer parti des technologies d’intelligence artificielle. Celles-ci vont alimenter des systèmes d’alerte pour repérer des signes avant-coureurs de souffrance au travail[2], comme une augmentation, soudaine ou régulière, du taux d’absentéisme et de turn-over. Charge alors aux managers d’exploiter ces données en interrogeant « le terrain » et en mettant en place des mesures préventives et/ou correctives.
Par ailleurs, l’IA se révèle pertinente pour favoriser une prise de décision objective, moins influencée par des biais cognitifs. On pense notamment au recrutement, où un candidat sera davantage susceptible d’être sélectionné en raison de l’alignement de son portefeuille de compétences avec les attendus du poste. Attention néanmoins à ne pas remplacer les biais du cerveau humain par ceux d’IA les ayant intégrés… et les reproduisant, sans possibilité de contrôle.
L’IA peut-elle soutenir la conduite du changement ?
Nul doute que, dans un avenir proche, l’intelligence artificielle deviendra l’alliée incontournable des démarches de transformation organisationnelle. Potentiellement, toutes les étapes peuvent être concernées : du diagnostic initial, permettant de repérer les axes d’évolution, à l’ancrage du changement et à son suivi avec des outils de reporting, en passant par l’élaboration de la stratégie et le déploiement du plan d’action.
L’IA va ainsi se révéler précieuse pour traiter les données, RH et/ou business, et en tirer des éléments d’analyse prédictive – à savoir la génération d’hypothèses. Ces dernières alimenteront ensuite le processus de prise de décision. Autre exemple, dans le cadre du plan d’action : les démarches d’upskilling et de reskilling peuvent bénéficier du recours à l’IA pour définir les parcours de formation en phase avec les objectifs visés.
Quels sont les avantages et limites de l’IA pour le management ?
De l’amélioration de la gestion d’équipe, au quotidien, à l’élaboration de scénarios pour le futur, l’intelligence artificielle est bien partie pour devenir la prochaine révolution managériale. A condition, bien sûr, de respecter certaines règles du jeu… Il est d’abord essentiel d’acculturer l’interne, aussi bien les managers que les collaborateurs, aux perspectives ouvertes par l’IA. Un prérequis indispensable pour sortir des fantasmes et éviter les crispations.
Il va ensuite falloir définir toutes les facettes de l’exercice managérial qui peuvent bénéficier de cette technologie ; d’une entreprise à l’autre, et selon les secteurs d’activités, les besoins et attentes ne sont en effet pas les mêmes. Le troisième pilier de la démarche, complémentaire des deux premiers, est la formation : les managers doivent développer leurs compétences pour exploiter au mieux le potentiel de l’IA.
L’organisation est également attendue pour définir le cadre d’usage – par exemple, en rappelant que l’IA reste un outil au service de l’exercice managérial : la technologie suggère, l’utilisateur décide. Plus largement, une réflexion sur les usages s’impose pour définir un cadre éthique d’utilisation de l’IA, via une charte « maison » ou par l’adhésion à des labels externes.
Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si l’on est « pour » ou « contre » l’IA. Celle-ci est déjà une réalité organisationnelle, et elle va prendre de plus en plus de place dans un avenir proche. Il est donc essentiel de s’intéresser aux apports de l’intelligence artificielle, et d’évaluer l’intérêt de sa mobilisation dans le contexte interne – spécifique – de chaque entreprise. Avec une précaution à prendre : toujours interroger et mettre en perspective les propositions de l’IA.
Pour en savoir plus sur le management de transition et notre actualité, suivez CAHRA sur les réseaux sociaux : LinkedIn, Twitter et Youtube.
[1] Pour en savoir plus sur les apports concrets de la philosophie au monde de l’entreprise, c’est ici.
[2] Un article à consulter ici, sur le burn-out et la prévention des RPS.