Management de transition : un métier d’homme… et de femme ?
Dans le monde du travail, l’égalité femmes-hommes progresse… lentement. Pourtant, des mesures issues de lois successives (2014, 2015, 2016 [1] ; loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel) visent à aplanir les écarts qui perdurent entre hommes et femmes en termes de salaires, de niveau de responsabilités ou de taux de féminisation de certaines fonctions. Le secteur du management de transition est-il bon élève en la matière ? État des lieux.
22 % des missions de management de transition ont été réalisées par des femmes en 2018, en France
C’est l’un des enseignements du baromètre 2018 du management de transition réalisé par la FnMT, le premier syndicat représentatif de la profession. Un pourcentage en augmentation sensible [2] à mettre en perspective des résultats d’une étude menée par le cabinet Valtus en 2014 [3] ; les profils féminins ne constituaient alors que 14 % de l’ensemble des managers de transition. Autre éclairage, européen : sur le marché de l’interim management [4] en 2019, moins de 10 % des managers de transition sont des femmes.
Comment expliquer la faiblesse de ces chiffres ?
Plus l’âge des managers de transition est élevé, plus les ressources de cadres expérimentées disponibles se réduisent. En cause : l’accès récent des femmes à des postes de cadres dirigeants, de façon « élargie » du moins, en France et en Europe.
Or, l’âge moyen des managers de transition européens a augmenté en 2019. Ainsi, la tranche des 40-49 ans ne représente plus que 18 % des effectifs, contre 30 % en 2015. En France à l’inverse, les profils entrant sur le marché du management de transition rajeunissent – en 2018, 23 % des managers de transition étaient âgés de 40 à 50 ans, en hausse de 3 points par rapport à 2017.
Au vu de ces éléments, on peut anticiper une augmentation progressive des effectifs féminins du management de la transition dans les années à venir. Avec deux éléments d’appréciation en contrepoint :
- En France, tous secteurs d’activités confondus, le nombre de femmes a égalé le nombre d’hommes devenant cadres pour la première fois en 2013 (étude de l’Insee de 2017) ;
- Le taux de féminisation des Comex et Codir des entreprises du SBF 120 est passé de 13 % en 2014 à 17 % en 2018.
Manager de transition CAHRA depuis 2013, Brigitte Briançon était la seule femme, manager de transition, à son arrivée. Actuellement, le cabinet compte un peu plus de 15 % de femmes managers.
« Ce pourcentage peut sembler faible mais il correspond à certains des métiers exercés dans le cadre de nos missions de transition. La direction de production notamment, ou la supply chain, se déroulent dans des univers encore très majoritairement masculins. »
Dans cette perspective, les freins sont donc externes au secteur lui-même.
Quid de l’égalité salariale dans le management de transition ?
Cette question, comme celle de l’évolution professionnelle des femmes au fil de leur carrière, se pose à l’ensemble des cadres dirigeantes[5].
Bref aperçu de la situation globale. En Équivalent Temps Plein et tous secteurs d’activités confondus, plus on progresse dans l’échelle des revenus, plus l’écart du salaire moyen net se creuse entre les femmes et les hommes. Selon l’Insee, il atteint 21 % en défaveur des femmes chez les cadres supérieurs (dernières données disponibles, 2015).
L’Insee a réalisé une autre enquête qui illustre le plafond de verre auquel se heurtent les salariées – barrière que l’on peut qualifier de plafond de mère. La maternité génère en effet une baisse de revenu salarial de 25 % en moyenne cinq ans après la naissance, toutes catégories sociales confondues. Si cette diminution se « limite » à 5 % pour les femmes aux revenus les plus élevés, leurs homologues masculins ne connaissent aucune baisse de salaire au regard de leur propre paternité et peuvent même voir leurs revenus augmenter jusqu’à 17 % ! L’écart entre les trajectoires salariales femmes hommes se creuse donc encore.
Alors, qu’en est-il dans le secteur du management de transition ?
C’est peut-être un cas unique mais l’égalité salariale y est pleinement respectée ! Le barème de rémunération est en effet identique, valorisant les compétences et l’expérience « du » manager de transition. En ce sens, celui-ci n’est pas genré.
« Chez CAHRA, à niveau égal de fonction tout manager de transition bénéficie de la même rémunération. Ceci quelle que soit sa spécialité – direction générale, direction de production, supply chain, DAF, DRH ».
Quels sont les bénéfices et les freins pour les femmes à devenir managers de transition ?
Brigitte Briançon met en avant la liberté du manager de transition, infiniment appréciable.
« Quel autre métier permet de se retrouver, deux fois par an, dans des situations dont on ne connaissait rien la veille, et de vivre une stimulation intellectuelle aussi intense ? Le fait de pouvoir accompagner les équipes en place et partager de bonnes pratiques s’avère valorisant pour soi-même tout en permettant de recevoir beaucoup. Le management de transition est tellement riche au niveau humain ! L’accompagnement de CAHRA s’avère par ailleurs très utile et stimulant. Pour rien au monde, je ne reprendrais un poste dans une entreprise. »
Dans le cadre d’une mission, un DRH de transition (par exemple) se trouve dans une position très différente de celle qui prévaut chez les DRH salariés. « Ses interlocuteurs sont en attente des actions et solutions qu’il va proposer. En ce sens, c’est extrêmement confortable ! »
Toutefois, l’extrême mobilité requise par les missions de management de transition s’avère souvent délicate pour les femmes, tout comme la disponibilité demandée. Les missions peuvent en effet s’effectuer partout en France, voire à l’international.
« Sauf à vouloir nier l’évidence, il est plus facile de partir pour des hommes que pour des femmes. Pour des raisons d’ordre familial notamment. Ce rythme de vie particulier influe sur les relations de couple et familiales, si l’on a encore des enfants à charge. Une imprégnation culturelle judéo-chrétienne rend sans doute également ces éloignements plus difficiles à assumer pour les femmes. Sans compter un aspect un peu déstructurant socialement. Lorsque j’échange avec d’autres femmes managers de transition, je constate que nous aimerions toutes, sans exception, pouvoir effectuer davantage de missions près de chez nous. »
Le secteur du management de transition dispose de multiples atouts pour attirer des cadres dirigeantes désireuses de relever de nouveaux défis. Pour autant, l’égalité femmes-hommes n’y est pas encore totalement acquise. Là où un manager de transition, homme, accède indistinctement à des missions de production, de bureau d’études, etc., un manager de transition, femme, reste davantage cantonné à sa spécialité d’origine. Le dernier niveau de « résistance » à franchir, sans doute ?
[1] Loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes ; loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ; loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
[2] Un pourcentage qui augmente depuis 2012, tout en accusant une légère baisse par rapport aux résultats 2017 du baromètre de la FnMT.
[3] L’étude Valtus a été menée sur un panel représentatif de plus de 500 managers de transition, en 2014.
[4] Dans le reste de l’Europe, on ne parle pas de management de transition mais d’interim management.
[5] Cette question se pose à l’ensemble des femmes mais notre article se concentre sur les catégories sociales correspondant à celles du management de transition.
À PROPOS DE : BRIGITTE BRIANÇON
Manager de transition CAHRA depuis janvier 2013, Brigitte Briançon dispose d’une vaste expertise en direction des ressources humaines. Elle intervient dans des contextes de rachat d’entreprises ou d’établissements, de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), de gestion des relations sociales, de négociations ou de dégradation de service, d’amélioration et de retour à la performance par le management opérationnel des équipes. Elle a auparavant exercé les fonctions de DRH et de Directrice des Relations Sociales dans de grands groupes du secteur automobile.