Management : la réussite est un sport d’équipe
Les récentes évolutions du management tendent vers une approche plus humaine, centrée sur l’esprit d’équipe et la performance collective. Quelle est la posture managériale à adopter, et comment insuffler le changement à tous les niveaux de l’entreprise ? L’analyse d’Emmanuel Buée, dirigeant de Cahra Ressources de Transition.
Aujourd’hui, les entreprises sont dans un système conditionnel qui offre peu de visibilité sur l’évolution du marché et de ses acteurs. Les changements qui prenaient plusieurs années auparavant sont désormais concentrés sur quelques mois. Il est donc nécessaire d’adopter un nouveau mode de pilotage afin de pouvoir être en posture d’adaptation permanente.
Cela concerne d’abord la direction, mais cette posture ouverte doit également être celle de l’encadrement intermédiaire afin d’être déployée auprès des équipes. S’il y a des incertitudes, tout le monde doit en être conscient, ce qui nécessite une communication plus transparente afin de permettre une bonne compréhension des enjeux auxquels l’entreprise fait face.
Si la destination est floue, focaliser sur le chemin
Lorsqu’il n’est pas possible de fixer des objectifs précis, le management doit suivre une approche plus systémique. L’objectif est alors de mesurer l’écart entre les intentions de changement et les résultats plutôt que les résultats seuls. Il ne faut pas sanctionner l’atteinte des objectifs fixés mais se concentrer sur les corrections à adapter aux actions. Cela permet de poser les bases d’un système adaptatif, apprenant et tourné vers le progrès.
Pour que les équipes s’approprient cette démarche, les managers doivent faire évoluer leur accompagnement : au lieu d’apporter toutes les recettes aux collaborateurs en amont, ils doivent les laisser trouver par eux-mêmes des solutions et concentrer leur énergie sur les corrections à proposer en aval.
Chez Cahra, nous avons par exemple changé de système d’information récemment. Cette décision du comité de direction visait à adopter une logique CRM qui soulevait des oppositions au sein des équipes. Je me suis positionné en tant que key user* afin de travailler avec les utilisateurs et de réfléchir ensemble à la résolution des problèmes qu’ils rencontraient au quotidien. En parallèle, j’échangeais avec le référent technique afin d’avoir des solutions concrètes à proposer, mais tout en écoutant l’avis de chacun et en l’aidant à gravir les marches une à une. Le résultat est probant : après six semaines d’usage, le système est déjà très bien intégré.
Les managers ont un rôle modélisant
Les managers doivent incarner la stratégie de la direction et adopter une posture modélisante. Par le principe des vases communicants, leur posture est en effet progressivement partagée par tout le monde. Bien sûr, cela n’est pas toujours évident pour un manager d’être exemplaire, et je suis le premier à me prendre les pieds dans le tapis tous les jours. Cette approche repose cependant sur un certain nombre de valeurs clés :
- l’humilité, car l’erreur est humaine : le manager doit savoir remettre en question ses solutions si elles ne sont pas adaptées et il a droit à l’échec ;
- l’écoute active, pour comprendre les dysfonctionnements et y travailler avant d’écouter pour répondre;
- la sincérité, dans le respect de la personne et de la relation, car même si les objectifs ont été atteints il peut y avoir des dysfonctionnements ;
- le non-jugement, car l’analyse doit se faire sur les faits et non sur les individus ;
- la co-construction, car la direction n’est pas omnisciente et doit s’appuyer sur l’expérience du terrain surtout dans un contexte systémique ;
- l’ajustement permanent des méthodes et des outils, en prenant du recul sur l’existant pour imaginer des méthodes différentes… et pouvoir être pro-actif dans les prises de décisions. Une solution récemment décidée peut devenir rapidement obsolète.
Prime à l’esprit d’équipe
Cette posture de management n’est pas naturelle, dans un contexte où la compétition prévaut. Or la « starification » d’individus peut dégrader l’ensemble du système, car il faut que tout le monde puisse se sentir à l’aise et reconnu pour ses compétences. Sur la durée, c’est toujours l’esprit collectif qui fonctionnera le mieux.
En terme de recrutement, il faut donc privilégier des profils capables de s’inscrire dans une dynamique d’équipe. Alors qu’avant on mesurait le QI et l’intelligence analytique, on favorise désormais l’intelligence émotionnelle, sociale et comportementale, la créativité et la capacité de remise en question. Chez Cahra Recrutements Spécifiques, des outils et des méthodes d’analyse qui s’inspirent notamment des neurosciences ont ainsi été mis en place pour mieux détecter ce type de profils.
Ensuite, au quotidien, il faut favoriser l’esprit d’équipe avec une attitude positive et constructive. Il faut ainsi être conscient que les comportements sont contextuels, et en cas de problème essayer de changer le contexte avant de remettre en cause les individus. Il faut aussi sanctionner de manière positive les succès comme les échecs, par exemple en remerciant publiquement ceux qui avouent des erreurs.
Activités collectives et développement personnel
La cohésion d’équipe peut également être renforcée par l’organisation de défis et d’activités (qui ne doivent pas être obligatoires afin de préserver la frontière avec la vie privée) : événements sportifs, causes associatives, célébration d’anniversaires ou de naissances, etc.
L’adéquation des personnalités avec la stratégie de management peut enfin être travaillée avec le développement personnel, notamment via le coaching. Chez Cahra management de transition, nous travaillons avec Carole Laubry, du cabinet Resultence, afin de mettre en place des outils et des méthodes de codéveloppement. Des groupes de managers ont ainsi été créés afin de permettre le partage de problématiques entre pairs.
« Ceux qui écoutent doivent se mettre dans une posture de consultant et chercher, par un jeu de questions, à modifier la représentation que la personne a de son problème« , explique Carole Laubry. « Avec cet exercice, ils développent leur capacité à changer de représentation, à prendre du recul pour pouvoir comprendre le point de vue des autres, ce qui est une compétence managériale clé. » La démarche renforce l’humilité et la solidarité entre participants. Elle crée un cercle vertueux, aussi bien sur le plan personnel que dans la dynamique collective, et ancre durablement les valeurs de l’esprit d’équipe dans la vie d’entreprise. La partie est alors presque gagnée, et il ne reste plus qu’à transformer l’essai sur le terrain de la performance.
* Utilisateur de référence
Propos recueillis par Thibaut Angelvy, Rue Prémion.