Manager de transition #5 : faire preuve de pédagogie pour accompagner le passage à l’action
Impulser une dynamique et opérer la transformation avec les équipes, telles sont les missions d’un manager de transition lors d’une intervention. Pour rassurer, fédérer et mobiliser, une communication sincère sur les enjeux et objectifs du changement, est requise. Tout comme un solide sens de la pédagogie. Quel rôle concret va jouer ce dernier ? Pourquoi fait-il partie de la mosaïque de compétences [1] indispensables à tout manager ? Focus.
Le manager de transition doit se montrer pédagogue : est-ce à dire que les acteurs de l’entreprise sont des enfants ?
Commençons par définir ce que l’on entend précisément par ce terme. Car, dans le monde de l’entreprise ou politique, l’on confond souvent pédagogie et communication. Or il s’agit de notions bien distinctes !
La communication cherche à faire adhérer un public à un projet, une méthodologie, une mesure dans un contexte politique, par le partage d’informations et d’explications – ou le cadrage d’un processus qui s’engage, lors d’une mission de transition. Inscrire le changement à opérer dans une perspective s’avère essentiel pour le manager de transition [2].
La pédagogie vise quant à elle à doter ce même public des outils nécessaires à la compréhension des connaissances à acquérir (dans sa vocation première), ou d’un process inédit, d’une posture à adopter, d’un projet à mener, dans le cadre du management de transition. Elle suppose un accompagnement lors de l’acquisition ou de la mise en œuvre de ces nouvelles pratiques.
Si le fait de transmettre des compétences (savoirs, savoir-être, savoir-faire) est l’une des dimensions du métier de manager de transition, celle-ci se heurte souvent aux attentes des acteurs de l’entreprise, en début de mission. Les interlocuteurs souhaitent en effet une recette, qu’ils associent au « charisme » du manager de transition. On a ici affaire à une pensée magique.
Dans la réalité, il va falloir créer les conditions de la compréhension et de l’acquisition, donner des outils et mettre en situation, réexpliquer et accompagner. Le sens de la pédagogie du manager de transition sera pleinement mobilisé.
Un prérequis décisif pour tout manager de transition : l’attention aux personnes et au moment
Un sujet ne peut être abordé de la même façon avec tout le monde. Pour appréhender le mode de fonctionnement de chaque collaborateur, la posture d’écoute et d’empathie du manager de transition, s’avère décisive. Son expérience fournit aussi une aide précieuse, ainsi que certains types de questionnement ; ceux-ci vont aider les personnes à se « livrer », un peu.
- À noter : si ces personnes restent totalement fermées, il sera très difficile de leur transmettre des compétences ou capacités relevant du savoir-être (soft skills),
Le sens de la transmission, qui irrigue toute pédagogie, nécessite une grande proximité avec le public auquel on s’adresse. Bien que le manager de transition n’ait pas la possibilité de connaître « véritablement » les collaborateurs de l’entreprise (étant là pour un temps donné), il doit réussir à identifier leurs valeurs et modes d’action habituels afin de gagner en efficacité pédagogique. À cette fin, il va « écrire » leurs comportements déterminants, à partir de faits, pour mieux échanger.
L’attention au moment est pour sa part indissociable de l’intelligence de la situation. Lors d’une mission de transition, même si chaque minute dans l’entreprise compte, il faut savoir attendre le moment où les collaborateurs seront en demande ; ils seront alors prêts à écouter. Ce type de moments est fugitif. Si le manager de transition souhaite avoir une attention totale, il doit être en mesure de les saisir. Il y a également des périodes plus favorables que d’autres. Un exemple : un collaborateur qui enchaîne les réunions ne sera pas réceptif car il va se projeter de l’une à l’autre. Le manager de transition évitera de le solliciter dans un tel contexte.
Pour faire preuve de pédagogie : créer l’adhésion et accompagner la mise en mouvement
Œuvrer à l’appropriation d’une pratique professionnelle ou d’une compétence nécessite d’obtenir « l’accord » du public concerné sur l’intérêt et l’objectif. Comment procéder ?
Le manager de transition va mettre en évidence les situations précises, les tâches ou missions, dans lesquelles les collaborateurs auraient eu besoin de ce qu’il souhaite leur transmettre. Prenons l’exemple d’un nouveau process, dans un contexte industriel :
- Intérêt – Grâce à celui-ci, les collaborateurs disposeront de davantage de points d’appui pour atteindre leur cible.
- Objectif – Le process en question crée les conditions optimales pour réaliser une tâche qui leur a posé problème jusqu’à présent.
Pour faire adhérer à un projet (au sens large), il ne suffit pas d’exposer un concept. Une alliance [3] doit se nouer entre toutes les parties prenantes.
Dans le cadre du management de transition toujours, la phase suivante d’une démarche pédagogique porte sur la mise en mouvement. Il s’agit de permettre aux collaborateurs d’apprendre à voir / apprendre à entendre / apprendre à percevoir. Deux illustrations concrètes :
- Sur une chaîne de production, apprendre à voir comment les ouvriers travaillent et comment les contremaîtres se comportent.
- Lors d’une réunion, apprendre à porter son regard sur le comportement des différents participants et à relever leurs intonations de voix, leur gestuelle, etc.
Cet apprentissage concerne l’identification des signaux de communication, forts et faibles. La vue, l’attention, la présence au moment, sont déterminantes. La première action du manager de transition à cet égard est de faire comprendre aux collaborateurs qu’ils vont avoir un effort à fournir ; en effet, spontanément, nous avons tous tendance à regarder de manière trop superficielle.
Deux autres éléments nourrissent cette démarche pédagogique :
- Le découpage de l’apprentissage en concepts / opérations unitaires ;
Les collaborateurs réaliseront ainsi qu’ils maîtrisent désormais une partie de la compétence à développer, ou du process. Cela les encouragera à poursuivre leurs efforts.
- La priorisation des actions ;
Un manager de transition se garde d’initier une multitude de plans d’action en même temps, sous peine de courir droit à l’échec pour chacun d’entre eux !
- Des débriefs réguliers.
Quand quelque chose n’a pas fonctionné, qu’un malaise semble perceptible chez certains collaborateurs même si aucune objection n’a été formulée, il est très important de revisiter ce qui s’est passé.
Le souci de clarification et l’attention dont le manager de transition fait preuve, concourent à l’acte de transmission qu’il réalise. L’appropriation par les collaborateurs doit également être accompagnée, encouragée puis valorisée, afin d’entraîner les personnels devant encore acquérir de nouvelles compétences. S’il existe des outils et méthodologies en matière de pédagogie, le fil rouge suivant s’avère déterminant : le cheminement de l’apprentissage est plus important que le résultat brut [4].
[1] Dans cette série d’articles, nous explorons le métier de manager de transition tel qu’il est pratiqué chez CAHRA.
[2] À lire sur le blog de CAHRA : un autre article, relatif au second aspect, décisif, de la communication lors d’une mission de transition.
[3] À lire sur le blog de CAHRA : l’aspect relationnel de l’alliance, et sa dimension de confiance.
[4] Sur les chaînes de production notamment, de « mauvais » gestes professionnels donnent souvent lieu à de bons résultats. Certains collaborateurs n’ayant pas bénéficié du temps nécessaire à l’apprentissage, « tordent » leurs gestes pour atteindre l’objectif fixé. Conséquence : ces positionnements inadéquats entraînent des troubles musculo-squelettiques, au bout de quelques temps.