Manager de transition #6 : stabilité émotionnelle et résilience, deux maîtres atouts
Que serait le manager de transition sans une mosaïque de talents naturels et de compétences sociales, émotionnelles ou cognitives [1] ? Réponse : un professionnel incapable d’opérer la transformation ou s’y employant dans la douleur, pour les équipes en place et lui-même. Dans un contexte de mer agitée au regard du changement à impulser, l’exercice de ce métier requiert une grande stabilité émotionnelle alliée à une capacité de résilience. Gros plan.
1- Tout manager de transition doit « travailler » sa stabilité émotionnelle
L’émotion joue un rôle crucial pour l’être humain depuis toujours. Elle lui permet de réagir à l’imprévu et de percevoir la dangerosité d’une situation, instantanément. En ce sens, « l’émotion est un guide qui nous renseigne sur notre relation à notre environnement » (Dr Lisa Bellinghausen).
À défaut de contrôler ces signaux émotionnels, nous pouvons apprendre à mieux les connaître afin de les accueillir et de ne pas se laisser submerger. Un déferlement d’émotions sème en effet le trouble dans les réflexions à produire ou les décisions à prendre. La stabilité émotionnelle tient dans la capacité d’une personne à rester stable et équilibrée en situation de stress.
Lors d’une mission de transition, le manager arrive souvent dans un contexte de crise managériale ; les équipes qu’il rencontre sont extrêmement fragilisées. Elles ont besoin qu’il « acte » leur trop-plein d’émotions et fasse preuve d’une grande résistance au stress. Celui-ci peut surgir à tout moment : multiplicité de problèmes à résoudre (le manager de transition va s’attacher à les « sérier » pour les prendre en charge, l’un après l’autre) ; tensions générées par des difficultés de recrutement sur des postes stratégiques ; situations de conflit social dans l’entreprise – entre autres. Un seul mot d’ordre : garder la tête froide.
En toutes circonstances, le manager de transition va écouter les collaborateurs et leurs émotions, pendant un temps donné ; il n’y a rien de pire que le refoulement. Pas question pour autant de « s’enliser » dans l’émotionnel. En reconnaissant les émotions éprouvées, il rassure les équipes. Cela lui permet de revenir ensuite à davantage de rationalité en proposant une action à mettre en œuvre. Cette projection permet au collectif de sortir de la subjectivité induite par les émotions.
On saisit dès lors l’importance de la stabilité émotionnelle. Mais comment la développer ?
Avant de devenir manager de transition, le professionnel qui exerce ce métier a réalisé un parcours fait d’une grande diversité de situations. Il a souvent évolué, d’une part dans des secteurs d’activités florissants, d’autre part dans des industries ou services où les coûts sont surveillés. Sa sensibilité aux personnes a pu se développer. Tout manager doit avoir le goût de l’humain. La pratique d’un management bienveillant est clé au regard de la motivation et de l’engagement des collaborateurs. Sachant que la transformation à opérer durant la mission se fera avec et par les équipes en place.
La formation suivie par l’ensemble des managers de transition CAHRA permet également de « travailler » cette stabilité, au travers d’études de cas ou de mises en situation. Les futures recrues expérimentent notamment la position Méta [2], indispensable pour prendre du recul sur les situations, leurs émotions et celles des autres. S’éveillant à des signaux auxquels ces professionnels prêtaient moins d’attention auparavant, ils s’y montreront désormais attentifs en toutes circonstances.
En parallèle, n’oublions pas deux facteurs qui influent sur la stabilité émotionnelle : l’hygiène de vie et la forme physique. La gestion du stress requiert énormément d’énergie ! Le corps la puise notamment dans le sommeil et l’activité physique. Des substances chimiques naturelles telles que les endorphines contribuent puissamment à la stabilité émotionnelle.
2 – Sa capacité de résilience lui permet de surmonter les obstacles et d’entraîner les équipes sur cette voie
En 2003 paraît dans le magazine américain Psychology Today un article de Hara Estroff Marano, L’Art de la Résilience. Extrait : « Les personnes résilientes ne laissent pas l’adversité les définir. Elles trouvent la résilience en se dirigeant vers un but au-delà d’elles-mêmes, transcendant la douleur et le chagrin [ou les difficultés, ndlr] en percevant les mauvais moments comme un état de fait temporaire ».
Pour exercer le métier de manager de transition, il faut être expérimenté, avoir vécu de nombreuses situations faites de victoires et d’échecs. Les seconds sont décisifs : impossible de construire de nouvelleseréussites sans avoir connu un ou deux échecs cuisants, ainsi qu’un bon nombre de succès. De fait, le manager de transition a déjà dû « transcender » les difficultés.
Quid du but « au-delà de soi-même » ? Dans le cadre d’une mission, ce sont les objectifs à atteindre et, à terme, la bonne santé de l’entreprise. Le manager de transition va se concentrer sur les aspects positifs qu’il perçoit, remettant toujours les choses en perspective – sa mission, ce qu’il doit faire avec les équipes. Sinon, il risque de « porter les singes » en permanence.
Exemple : dans une entreprise de 100 personnes, les équipes ont été chahutées avant le recours au management de transition (licenciement d’un premier directeur de site, burn-out de son successeur). Lorsque le manager de transition arrive dans la structure, il rencontre des collaborateurs ayant besoin d’exprimer leurs émotions et de partager leurs problématiques – ce qui est légitime. Après les avoir écoutés, avoir « accueilli » leur ressenti, il doit impérativement les extraire de leurs références au passé. Son rôle est de les mettre en mode action en se tournant vers l’avenir.
Pour ce faire, la confiance en soi du manager est clé. Il peut se permettre de dire : « je ne sais pas ». Comme il n’est pas expert technique, il ne cherche pas à le faire croire aux collaborateurs de l’entreprise. À l’inverse, il témoigne de sa confiance en leur expertise. Cela se traduit par certaines délégations et l’identification de leaders naturels. Ces derniers vont relayer et fédérer leurs collègues autour de la transformation à opérer.
Un autre élément est décisif à ce stade : la capacité de trouver le bon équilibre entre recherche de performance et bienveillance. S’il confie un projet à une équipe, le manager de transition veillera à la remercier pour son travail lorsque des résultats positifs surviendront. Le même principe s’applique à titre individuel : dès qu’un collaborateur agit dans le sens de la performance, il va le valoriser.
3 – Le manager de transition fait preuve d’assertivité pour générer une dynamique et la piloter
Initié par le psychologue américain Andrew Salter, le concept d’assertivité se définit, dans son acception première, comme la capacité à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres.
Dans une perspective managériale, faire preuve d’assertivité consiste à exprimer ses pensées, ses sentiments, ses convictions, tout en écoutant ses interlocuteurs sans porter de jugement. Le respect de leur vision est essentiel en vue de s’exprimer, en parallèle, de manière directe, honnête, ferme. Le manager de transition n’est pas le porte-parole du donneur d’ordres mais un décideur (sur son périmètre), un coach, un facilitateur. En se comportant comme tel, il peut envisager de reconstruire une dynamique nouvelle. Car c’est bien son objectif !
Lors d’une mission de transition, les prises de décision sont récurrentes. À plusieurs reprises le manager va devoir :
- Tenter de convaincre et de fédérer les collaborateurs de l’entreprise autour de son idée ;
- Ou les « embarquer » autour d’une idée majoritaire ayant émergé, même si celle-ci n’est pas la sienne.
En ce sens, l’humilité est indissociable de l’assertivité. Elle est indispensable pour le manager de transition, à tous égards !
Stabilité émotionnelle, résilience et assertivité sont intrinsèquement liées. Rarement mises en avant, elles alimentent pourtant le management en le dotant d’une orientation bienveillante. Dans le cadre d’une mission de management de transition où émotions et problématiques sont exacerbées, elles sont à la manœuvre ! À ce titre, elles figurent en bonne place dans la « boîte à compétences » du manager de transition.
[1] Dans cette série d’articles, nous explorons le métier de manager de transition tel qu’il est pratiqué chez CAHRA.
[2] La position Méta est issue de la PNL (programmation neuro-linguistique). Adoptée par les managers de transition CAHRA, elle consiste à identifier ce qui se passe dans une relation, avec la personne ou un groupe, ou encore dans un processus. Nécessitant de ne pas se fier uniquement à sa propre perception, cette posture ouvre sur le partage et la coopération entre les personnes.