Manager de transition #7 : sans courage managérial, point de mission !
Suite de notre série consacrée aux compétences et talents du manager de transition [1]. Présent dans l’entreprise pour opérer la transformation avec les équipes en place, ce professionnel expérimenté doit créer un cadre de confiance, dynamiser et remotiver des collaborateurs qui ont souvent vécu des périodes de tension avant son arrivée. En parallèle, il s’assure de l’engagement plein et entier du donneur d’ordres dans le changement. Dès lors, son « courage managérial » est requis ! Quelles en sont les composantes ? Focus.
1 – Comment le manager de transition « active » son courage managérial en mission
Lorsqu’un donneur d’ordres fait appel à un manager de transition, il souhaite que ce dernier résolve une problématique structurelle, ponctuelle ou inédite [2] portant sur le management, l’organisation, la performance, la croissance ou le redressement. Dès lors, le donneur d’ordres comme les équipes de l’entreprise (avec lesquelles le manager de transition va opérer la transformation) attendent de ce professionnel une posture spécifique, qui constitue sa valeur ajoutée. Cette posture se nourrit de courage managérial. L’oser dire entre en jeu !
En effet, comment se libérer de certaines croyances limitantes, comment sortir de ses pratiques habituelles, sans y être encouragé par un regard neuf et une expression directe, authentique, constructive, dans le respect et la bienveillance ? Car l’oser dire, pour porter tous ses fruits, doit revêtir une forme audible pour l’interlocuteur.
Dans certains cas, le manager de transition va oser dire au donneur d’ordres que sa perception de tel ou tel manager de l’entreprise repose sur une vision partielle, ou inadéquate, de la réalité – en évitant de parler d’idées reçues (bien qu’il s’agisse de cela).
Ainsi, au sein d’un groupe, un directeur de site peut avoir échoué dans sa mission par « défaut » de compréhension de ses objectifs. Dans le cadre du management de la transition, une suppléance de poste va pourtant révéler les compétences de ce directeur en difficulté vis-à-vis de son donneur d’ordres. Il devient alors « l’homme de la situation ».
- Le courage managérial consiste, pour le manager de transition, à faire en sorte que le donneur d’ordres entende ce point, alors même qu’il considère encore le directeur de site comme « l’homme à abattre ».
- Le manager de transition va mettre en exergue des éléments factuels pour appuyer ses propos. Par la manière dont il les « amène » au donneur d’ordres, il parviendra à le convaincre de l’évolution très positive de ce directeur.
Le courage managérial se manifeste également vis-à-vis des équipes en place. Il s’agit pour le manager de la transition d’identifier les leviers susceptibles d’aider ses interlocuteurs à changer.
- Auprès d’une équipe commerciale qui « ronronne » de plus en plus, il va « mettre les pieds dans le plat » en évoquant le confort dans lequel elle évolue ! Or, dans le même temps, la concurrence se fait plus rude. Et comme ce confort coûte des parts de marché à l’entreprise, l’activité de l’entreprise s’infléchit.
- Cela suppose aussi de sa part de rassurer l’équipe. Il témoigne de sa présence à ses côtés, se montrant prêt à défendre l’intérêt de tous les collaborateurs et à valoriser les actions menées.
Dans cette perspective, la confidentialité des échanges est essentielle. Le manager de la transition parle en son nom ; il n’est ni le porte-parole ni le messager du donneur d’ordres. De même, il ne « rapporte » pas les avis des équipes tels quels mais se forge sa propre conviction.
Lors d’une mission, il tient compte des enjeux du donneur d’ordres et de sa propre évaluation de la situation /des conditions sur le terrain. Il s’appuie à cette fin sur la phase d’entretiens qu’il mène au début de la mission avec l’ensemble des parties prenantes. Il « apprend » alors beaucoup.
À ce stade [3], il mobilise son intelligence émotionnelle, qui lui permet de décrypter les signaux envoyés par ses interlocuteurs, ainsi que ses propres émotions. Il identifie également des leviers de motivation personnels. Sa connaissance de la culture d’entreprise l’aide enfin à disposer d’une grille de lecture assez fine des individus, des relations et des systèmes [4].
2 – Courage managérial et oser dire permettent de développer des relations sincères et positives dans l’entreprise
Une telle posture ne fait sens que dans un contexte de bienveillance, nourri par une recherche d’équilibre et d’équité. Ainsi, lors d’une mission, si les objectifs de départ ne sont pas recevables, le manager de la transition va proposer des réajustements au donneur d’ordres, en lui expliquant pourquoi ceux-ci sont indispensables.
Au-delà de ce prérequis, le courage managérial agit en faveur de la transformation par la dynamique d’authenticité et de confiance qu’il produit, générant in fine les conditions de la coopération – et de l’action !
Plus précisément, l’oser dire – qui est au cœur du courage managérial -, œuvre à la qualité de la relation en s’inscrivant dans un rapport d’égalité entre les interlocuteurs, perçu comme tel par chacun d’entre eux. À ce titre, il requiert une véritable réciprocité. Quel collaborateur prendra le « risque de la parole » si le manager – de la transition ou de l’entreprise – n’adopte pas lui-même cette posture ?
Deux composantes sont souvent omises lorsqu’on évoque le courage managérial : l’écoute et le temps accordé à l’autre. Une écoute sans jugement, réflexive, qui permet de chasser les idées reçues le cas échéant. Un temps sans « prescription » minimale, indispensable toutefois en vue de témoigner de l’attention – et de l’importance – aux interlocuteurs.
En manageant les relations via ce type de posture, le manager de transition influe positivement sur la confiance personnelle et collective. Or celles-ci favorisent la proactivité et la capacité à coopérer. Les performances s’en trouvent souvent augmentées [5] !
À noter : pour un manager de transition, il est plus facile de faire preuve de courage managérial à l’égard du donneur d’ordres ou des équipes, que pour un manager de l’entreprise lié hiérarchiquement aux différentes parties prenantes. Néanmoins, en prenant toutes les précautions nécessaires afin de ne pas se mettre en danger, tout manager gagnera à affirmer ses convictions, donner du feedback, oser dire NON – pour le bien d’un projet, de l’équipe voire de l’entreprise.
Dans des circonstances particulièrement délicates, le recours au protocole de base de la Communication Non Violente permettra d’optimiser sa propre expression et de faciliter la réception de son message :
- En commençant par énoncer la situation problématique, sans jugement ;
- En partageant son ressenti ;
- En exprimant son besoin ;
- En formulant une demande à son ou ses interlocuteurs.
Le courage managérial est intrinsèque au bon déroulement d’une mission de transition. En son absence, manager la transformation serait tout simplement impossible ! Toutefois, le manager de transition ne cherche pas à endosser son costume de super-héros. Seules comptent à ses yeux la réussite de la mission et la pérennité de l’entreprise. Hors de question, par exemple, d’adopter une posture de sacrifice. L’oser dire qu’il pratique avec ses interlocuteurs le conduit à se protéger lui-même, afin de ne pas se laisser entraîner dans des situations susceptibles de le déstabiliser, voire de le mettre en souffrance.
[1] Dans cette série d’articles, nous explorons le métier de manager de la transition tel qu’il est pratiqué chez CAHRA. Les compétences évoquées sont de nature sociale, émotionnelle et cognitive (= soft skills).
[2] Chez CAHRA, les missions de la transition concernent une transformation à opérer ou de la conduite de projet alors qu’un poste s’avère vacant.
[3] A ce stade et tout au long de la mission.
[4] Chez Cahra, tous les managers de la transition sont formés à l’approche systémique.
[5] On trouve des études contradictoires en la matière qui concluent, pour les unes, à l’influence positive d’un cadre de confiance sur les performances ou, au contraire, à l’absence de lien direct entre les deux.