Mission de transition : comment poser de nouvelles fondations organisationnelles et managériales ?
Certaines missions de transition recèlent des défis insoupçonnés. Quand le périmètre d’intervention s’avère extensible, qu’un manque de légitimité des directions générant des carences de confiance interne apparaît, comment servir les objectifs de la mission, dans l’intérêt supérieur de l’organisation ? Lesdits objectifs consistant à doter de nouvelles fondations organisationnelles et managériales une entreprise de l’agroalimentaire dans laquelle je suis intervenu durant 18 mois [1].
Mes priorités initiales : les objectifs opérationnels de cette mission de transition et le lien à nouer avec les équipes
Identifié par l’entreprise et confirmé par le diagnostic, le principal enjeu de mon intervention s’impose dès les premiers jours : il s’agit de renforcer le rôle du contrôle de gestion activité en tant que business partner du commerce, dans un climat de transparence et de confiance.
Si, sur la partie industrielle, il existe une très bonne compréhension avec les responsables de site, les relations du service sont en revanche plus délicates avec les commerciaux. L’autre volet de cette mission de transition consiste à soutenir et accompagner le directeur financier dans son rôle auprès de la direction générale. Ma vision d’ensemble et mes expériences passées, développées dans le cadre de missions de management de transition et auparavant, me seront très utiles dans cette perspective.
Je définis rapidement les objectifs à concrétiser :
- Être l’interlocuteur des opérationnels pour leur fournir les informations financières et économiques utiles à leurs prises de décisions ;
- Instaurer une relation de confiance, en misant sur un contrôle maîtrisé ;
- Rédiger le référentiel de procédures ;
- Adapter les processus – point sur lequel la mission a la plus grande valeur ajoutée.
Pour mettre en œuvre les axes d’amélioration – bugs techniques, défauts de communication -, je dois également établir mon leadership auprès de mes équipes. Cette approche sera clé pour concrétiser mes objectifs. C’est d’ailleurs un élément essentiel à poser, dès les premiers jours dans l’entreprise et en toutes circonstances : créer le lien avec celles et ceux qui constituent le socle de la transformation et/ou de la performance.
Avec un périmètre d’intervention qui évolue, je dois faire preuve d’agilité et de souplesse dans ma démarche
Pour cette mission, la demande initiale concerne la direction du contrôle de gestion. Je vais pourtant prendre en charge la fonction de chef comptable lorsque la personne qui occupait ce poste, part. Puis, le directeur financier s’orientant vers une fonction opérationnelle, je vais également assumer de facto ces missions.
En tant que managers de transition, nous devons œuvrer à la pérennité à moyen et long termes de l’entreprise. Dans le cadre de cette intervention, la priorité était de réussir à clôturer les comptes annuels et de maintenir la cohérence des fonctions financières. De l’accompagnement d’un service, l’enjeu s’est élargi à la Direction Financière, malgré l’absence de cadres.
Un tel changement de périmètre ne peut fonctionner qu’à la condition de se focaliser sur le lien contractuel et d’établir des rapports d’étape actant des modifications.
Quand des « enjeux » individuels révèlent les failles du système
Cette mission de transition a donné lieu à quelques tensions relationnelles. Un exemple : au début du processus budgétaire, la diffusion d’un tableau annonçant une dégradation de la situation a pu heurter un responsable. J’ai dû repositionner le débat sur la gestion des priorités, et sur le besoin d’informer rapidement le Codir en assumant mes responsabilités.
Le dialogue et la collaboration au sein du comité de direction devaient être rétablis. Dans un contexte d’incertitude économique, certains de ses membres cédaient en effet à la tentation des bénéfices négatifs. Cela pouvait se traduire par le « recadrage » du porteur de mauvaises nouvelles, plutôt que de prendre à bras-le-corps la résolution de problèmes. Dans ce cas de figure,les responsabilités ne sont pas individuelles ; c’est le système qui se « décale » lentement, l’expertise prenant le pas sur le management, ce qui entretient des fonctionnements défaillants. D’où l’importance de poser de nouvelles fondations organisationnelles et de faire évoluer les comportements managériaux, quand les compétences sont bien présentes dans l’entreprise.
Lors de cette mission de transition, le lien créé avec mes équipes, qui m’ont soutenu et encouragé, a été essentiel pour tenir dans la durée. À chaque moment important, le manager de transition doit se demander pourquoi il intervient dans cette organisation, et ce dont celle-ci a besoin [2]. Cette véritable « boussole » lui permet de garder le cap, tout comme son travail en étroite collaboration avec le directeur de mission [3].
[1] 18 mois au lieu des 9 initialement prévus.
[2] Ce dont l’organisation a besoin, et non ce qu’elle attend du manager de transition à un instant T, parce que le donneur d’ordres a changé d’avis par exemple.
[3] Dans le modèle de management de transition que porte CAHRA.