Mission de transition : quels sont les ingrédients préalables au changement ?
Évoquer une mission de transition opérée dans une entreprise, c’est revenir sur les grands axes qui l’ont structurée. Je ne vais pourtant pas vous entraîner au cœur d’une intervention ! Car, parfois, l’alliance nouée par le manager de transition avec le donneur d’ordres et les managers opérationnels s’avère trop instable pour créer les conditions de la transformation par le management. Nous allons donc nous attarder sur les ingrédients du changement requis par toute mission, afin que donneurs d’ordres et managers de transition y accordent la vigilance nécessaire, au moment opportun.
Lors d’une mission de transition, le contexte d’intervention constitue un point de vigilance majeur
Il arrive en effet que tout se joue dès le début, ou presque !
Prenons l’exemple d’une mission sur laquelle est sollicité un cabinet de management de transition ainsi qu’un manager ad hoc, par un directeur général ayant déjà fait appel aux intervenants en question alors qu’il pilotait une autre entreprise. À la tête désormais d’un groupe comportant plusieurs filiales, il voit l’une d’elles rencontrer des difficultés en raison du rachat d’une petite entité dont l’intégration patine. Il convainc alors le président du groupe de solliciter un manager de transition, pour « mettre de l’huile dans les rouages ». L’enjeu : amener progressivement les deux structures à rapprocher leurs modes de fonctionnement, tout en développant une culture commune. Pour ce faire, la communication entre la filiale et la petite entité doit être améliorée et l’écoute mutuelle, développée.
Plusieurs points d’attention à ce stade :
- Pour le président du groupe, en tant que donneur d’ordres =>
- Décider d’une intervention implique de s’assurer que toutes les parties prenantes acceptent l’intervention d’un tiers au sein de l’organisation – en l’occurrence, il s’agit de bien « valider » l’accord de la directrice de la filiale concernée.
- Chercher à comprendre les facteurs du changement à l’œuvre dans tout processus de transformation est également décisif. Parmi ceux-ci : la nécessité de l’engagement du donneur d’ordres dans la transformation [1].
- Pour le manager de transition qui doit opérer la mission =>
- Avoir déjà travaillé avec la personne qui assure la mise en contact, en bonne intelligence qui plus est, ne sécurise pas de fait la nouvelle mission de transition.
- Minimiser une « résistance » à l’intervention perçue chez l’un des interlocuteurs s’avère périlleux, notamment si celui-ci dispose d’un pouvoir hiérarchique sur tout ou partie des équipes que le manager de transition va piloter durant la mission.
Une fois la mission enclenchée, manager de transition et donneur d’ordres doivent tenir compte des « signaux faibles »
Comme l’exprime Claude Bouyer [2], coach référent pour Humanely et directeur associé de Cuestiones Clave, « l’échec résulte généralement d’un long processus de signaux non détectés, ou bel et bien détectés mais n’ayant pas été pris en compte ».
Si l’on prolonge notre exemple initial, offrir des bases solides à la mission de transition à opérer requiert :
- De la part du donneur d’ordres =>
- De réaffirmer son soutien au manager de transition – si la directrice de filiale, se sentant remise en cause par certaines décisions, se positionne clairement en « opposante » à la mission ;
- De garder les rênes de donneur d’ordres, tout changement à cet égard générant de l’instabilité dans l’alliance établie avec le manager en mission ainsi qu’un déficit de confiance dans la relation mutuelle;
- De la part du manager de transition =>
- De pratiquer un pas de côté très régulièrement, pour prendre du recul et ne pas « tomber dans le mixer » des jeux de pouvoir ;
- De réagir en cas d’absence de soutien du président du groupe, face à une directrice de filiale devenu « opposante ».
Le manager de transition doit alors tenter de comprendre ce qui se joue entre ses interlocuteurs. S’il n’y parvient pas, il est important qu’il se montre assertif en exprimant son point de vue, dans le respect mais avec fermeté. Et si le donneur d’ordres change – comme cela se produit dans certaines missions -, il convient de tenter d’en anticiper les effets potentiels.
Sans envie « fondamentale » d’engager la transformation, point de mission !
Lors de nos interventions, il est fréquent que des interlocuteurs, en proie à des réserves initiales, deviennent par la suite moteurs du succès de la mission. Le processus d’alliance joue un rôle clé dans cette perspective, en permettant de s’assurer d’une volonté partagée d’agir. Toutefois, ce processus ne doit pas déboucher automatiquement sur une mission !
Supposons un donneur d’ordres et un manager de transition, incapables de s’entendre sur des faits pourtant caractérisés et mesurables : le travail à mener de concert ensuite ne peut être envisagé. Il en va de même dans le cas d’un manager de transition qui se voit refuser les possibilités de communication qu’il sollicite auprès des équipes, par exemple. La transformation ne s’opère pas contre ni malgré, mais avec.
S’il n’existe pas de recette miracle pour réussir une mission de transition, certains ingrédients clés sont indispensables : une bonne évaluation du contexte d’intervention, la détection des « signaux faibles », une volonté partagée d’agir en faveur de la transformation. Le modèle mis en œuvre par CAHRA, avec le suivi régulier d’un directeur de mission, offre des points d’appui significatifs pour opérer la transformation efficacement, aux côtés des femmes et des hommes de l’entreprise.
[1] Cette découverte se fait lors de la phase d’alliance d’une mission, qui vise : 1) à établir une relation de qualité entre le manager de transition et le donneur d’ordres 2) à construire une relation de confiance.
[2] Claude Bouyer a également conçu l’un des axes clés de la formation Manager de transition proposée par Audencia Executive Education et CAHRA.