Mission de transition : quels leviers pour manager en contexte incertain ?
La mission de management de transition que nous allons explorer s’est déployée sur près de deux ans [1]. Elle a comporté deux phases : une première étape dédiée à l’accompagnement du DG d’une ETI de 1 000 personnes [2] afin que la direction puisse, après une passe difficile, « reprendre pied » auprès des équipes, et une seconde, centrée sur le management exécutif de cette même entité, dans un contexte de possible rapprochement avec une autre société. Dans un univers complexe et incertain, donner du sens aux équipes en se concentrant sur l’efficacité de l’organisation, s’avère clé.
De l’accompagnement du DG à la gestion directe de cette fonction, une mission de transition qui change radicalement de cap
Lorsque j’arrive dans l’entreprise, je dois aider le DG à repositionner positivement la direction vis-à-vis des collaborateurs ; le management a en effet perdu la confiance des équipes au fil des difficultés rencontrées par l’organisation, les réponses passées n’ayant pas convaincu. Malgré un accompagnement au plus près de ses enjeux et des propositions d’actions concrètes pour restaurer la dynamique managériale, le système n’évolue pas comme l’aurait souhaité le donneur d’ordres – le PDG du groupe – et ce dernier préfère acter le départ du directeur.
Dès lors, comme manager de transition, je vais devoir accompagner l’organisation dans la fonction de DG, en étant à la fois focalisé sur le management du quotidien et sur la préparation de la suite. À savoir : le rapprochement éventuel avec une autre société du même secteur d’activités. Avant d’entamer cette seconde phase, je dois déployer une communication adaptée auprès des équipes, au regard du départ de l’ancien directeur. Impossible toutefois d’aborder la question du rapprochement, vouée à rester confidentielle jusqu’à la fin des discussions entre le groupe et la structure intéressée.
Comment manager et remotiver des équipes dans un contexte d’incertitude
Que le rapprochement ait lieu ou non, la restauration de la performance s’avère une priorité absolue. Dans la première hypothèse, cela permet de l’effectuer dans les meilleures conditions possibles ; dans la seconde, de remettre le site sur des rails économiques plus favorables.
La question du sens au travail est primordiale. Comment en donner quand on ne peut faire part de la totalité des informations dont on dispose, lesquelles évoluent en outre au fur et à mesure ? Les discussions avec le partenaire se prolongent en effet au-delà de la première date envisagée, pour in fine ne pas aboutir.
Donner du sens via une vision stratégique s’avère exclu dans ce contexte. Je choisis donc de mobiliser les collaborateurs autour de la performance économique, opérationnelle, organisationnelle, humaine. Je me concentre sur l’action immédiate plutôt que sur une projection de l’action dans le temps ou sur la recherche d’une performance « stratégique » par rapport à la concurrence. L’amélioration des processus et de l’organisation en sont le cœur.
Pour piloter efficacement l’action, je constitue un comité de direction resserré (le Codir initial étant plutôt élargi) afin de nous placer dans une dynamique de décision rapide. En parallèle, je propose très rapidement et sur des bases simples qui correspondent aux fondamentaux de l’entreprise, une nouvelle organisation susceptible d’être communiquée facilement aux équipes. Puis je crée un « corpus » autour de ce comité de direction incluant une vingtaine d’animateurs managériaux, managers de managers. Objectif : embarquer l’organisation dans la dimension humaine [3] des choses et, ce faisant, pouvoir piloter les initiatives opérationnelles avec efficacité. Afin d’instaurer une cohésion au sein de cette nouvelle équipe managériale, je recours notamment à des séances de Team Building et de co-construction de l’action. Une cohésion de nature émotionnelle et opérationnelle, lors de l’élaboration de plans d’action destinés à l’ensemble de l’organisation.
Les leviers du succès de cette mission de transition : simplicité, sincérité, adaptation et anticipation
Quand on est en responsabilité de diriger, il est exclu « d’arrêter de décider » en attendant de pouvoir effectuer une lecture complète de la situation. Dès lors, comment avancer ?
Je me mets dans une logique d’anticipation incluant plusieurs scénarios. Un exemple avec le changement d’ERP auquel il faut absolument procéder tant pour des raisons (pour le coup) de préparation aux évolutions stratégiques futures que d’efficacité opérationnelle ou de qualité de vie des collaborateurs. Un rapprochement étant envisagé, le plus logique serait d’adopter l’ERP réputé performant de la structure partenaire. Toutefois, comme rien n’est acté, il est préférable de préparer les équipes à opérer un changement de façon « indépendante ». Cela implique de ne pas aller trop vite dans la gestion de projet et, notamment, de temporiser durant les différentes étapes d’analyse avec les prestataires en fonction de l’avancée des discussions avec le partenaire.
Sur ce projet précis et plus généralement, la sincérité dans la communication faite aux équipes s’avère indispensable. La parole donnée est sacrée. Certes, je ne peux tout dire ; je partage néanmoins un maximum d’éléments clés pour permettre aux collaborateurs de se « situer ». Bien qu’imparfait, cet éclairage a le mérite de les aider à se projeter dans une action à court ou moyen terme dans un cadre suffisamment structuré et quasi-explicite, tout en leur ouvrant des horizons plus lointains avec des hypothèses non figées.
Pour trouver le juste équilibre, j’ai un fil rouge : ne jamais mettre les collaborateurs en situation d’inconfort personnel. Cela se produirait si je les entraînais dans une direction qu’il faudrait finalement abandonner. Ma sincérité, même modulée, se nourrit de bienveillance.
En termes de restauration de la performance, j’opte pour la simplicité. Retour aux fondamentaux ! Concentrons-nous sur les parts de marché les plus attractives. Améliorons le fonctionnement opérationnel de l’organisation en diminuant les coûts de manière ciblée et avec discernement. Le fait d’augmenter les marges tout en réduisant les charges conduit à une optimisation notable des résultats à la grande satisfaction en tout premier lieu des équipes, et bien sûr du donneur d’ordres et des actionnaires !
L’un des bénéfices majeurs de ce type de de stratégie « basique » est de permettre aux équipes de se l’approprier facilement.
L’anticipation des aléas s’est avérée indispensable pour mener à bien cette mission de transition. Comment rendre l’action engagée la moins « antagoniste » possible de l’univers des possibles dont j’ai eu connaissance ? Je me suis appuyé sur une équipe managériale solide, capable d’insuffler l’action. L’autre facteur de réussite se résume en une formule : savoir rester simple dans le complexe.
[1] La durée moyenne d’une mission de transition (toutes natures confondues – management opérationnel à des positions de management intermédiaire et missions à des positions exécutives) est de 7 mois selon le dernier baromètre de la FnMT – lire notre article dédié.
[2] L’entreprise dans laquelle je suis intervenu appartient à un groupe qui en comporte trois autres.
[3] Dans la dimension humaine et managériale.