Politique RH : en l’absence de DRH, est-il suffisant de gérer la paie ?
Lorsque j’entame cette mission de management de transition dans un groupe constitué de plusieurs entités rachetées au fur et à mesure, je découvre que la politique RH en est le parent pauvre. Si le contexte m’a été clairement expliqué – le DRH est en arrêt maladie depuis plusieurs mois -, je vais devoir mettre en place une véritable organisation RH pour pallier l’absence de dispositifs dédiés. À vos procédures RH, toute !
Brigitte Briançon, manager de transition CAHRA
Mon constat express : outre le DRH, la politique RH est aux abonnés absents
Dès mon arrivée dans l’entreprise, j’identifie un malaise RH. Il se traduit ainsi :
- d’un côté, un service RH laissé à l’abandon de par l’arrêt maladie prolongé du DRH mais aussi, en raison de l’absence de direction transmise par celui-ci lorsqu’il est présent ;
- de l’autre, des salariés très remontés contre ledit service RH, qui ne répond pas à leurs demandes et les accueille parfois mal.
Je constate également de véritables aberrations juridico-sociales. Ainsi, tous les accords d’entreprise existant dans les structures rachetées par le groupe continuent à être appliqués – alors qu’ils sont, de fait, caducs [1] ! Certains accords sur la durée du travail datent des années 2000.
Si la situation correspond plus ou moins à un achat de la paix sociale, le dialogue qui s’y rattache n’est pas constructif pour autant [2]. C’est toute une culture d’écoute, d’échanges et de négociation qu’il faut développer.
Ma mission à haut risque : doter le service RH des procédures et ressources humaines adéquates
L’objectif est de permettre aux quatre collaborateurs du service RH de jouer pleinement leur rôle auprès des 800 salariés du groupe, sans se limiter à la gestion de la paie. Sachant que celle-ci est complexe à élaborer au regard de la diversité des entreprises, localisées sur tout le territoire, et de celle des accords.
Je procède tout d’abord à un état des lieux de l’existant en recensant l’ensemble des accords appliqués dans chaque entité. Il s’agit de voir comment en renégocier de nouveaux, alors que ceux encore en vigueur auraient dû cesser de l’être il y a plusieurs années.
Ce premier palier me sert à atteindre le second – proposer une organisation RH constructive, au service d’une politique RH qui ait du sens. En d’autres termes : préparer l’avenir au lieu de se contenter de gérer les RH au coup-par-coup.
Pour cela, un pôle Développement RH doit être créé, avec un focus Formation et un focus Administration du personnel. Il faut savoir que des subventions ont été accordées par le Conseil Régional à l’un des sites du groupe ; or, aucun collaborateur du service RH ne gère la formation ! Problème : si aucune action n’est mise en œuvre, les subventions devront être remboursées. Je demande donc à recruter une nouvelle ressource.
J’ai alors le sentiment de manier de la dynamite… Le codir (les N-1 du président et celui-ci) est en effet persuadé que le service RH compte trop de collaborateurs et que ceux-ci « ne font rien » ! Au travers de l’organisation RH que je propose et de la stratégie RH qui l’inspire, je réussis néanmoins à obtenir gain de cause.
La politique RH initiée : une matrice pour un service RH autonome
Aucun DRH ne sera nommé à l’issue de ma mission de transition [3]. Le groupe rachète en parallèle un autre groupe de même taille que lui. Difficile de croire que le « petit service RH » puisse gérer 1600 collaborateurs au lieu de 800 précédemment. Et pourtant… Le personnel RH relève le défi !
Les collaborateurs s’appuient pour cela sur l’organisation que j’ai élaborée et sur la ligne directrice mise en œuvre : se montrer présent, sinon physiquement mais du moins téléphoniquement, pour répondre aux représentants du personnel ainsi qu’aux directions de sites. Les questions juridiques « pointues » sont traitées avec le soutien du cabinet de conseil en droit social que j’ai sollicité lorsque j’étais présente.
On atteint là le troisième palier de ma mission : accompagner les directeurs de sites dans le développement de leur intelligence de la négociation – cela passe par une posture d’écoute et de dialogue – et modifier leurs process de recrutement. Il s’agit de recourir aux dispositifs de Pôle Emploi tels que les POE (préparations opérationnelles à l’emploi) ou les AFPR (actions de formation préalables au recrutement). Dans un contexte de compétences dédiées inexistantes, le groupe peut ainsi observer l’implication des personnes dans ce métier nouveau pour elles, sans coût pour la structure, avant de signer de véritables contrats.
En guise de conclusion, voici une maxime, adaptée à toutes les structures selon moi : « On ne peut bien gérer une entreprise que si l’on s’occupe des outils ET des ressources humaines ». Les négliger conduit inévitablement à en subir les conséquences, à un moment donné.
[1] Lorsqu’une entreprise est rachetée, les accords existant tombent sans qu’aucune démarche ne soit nécessaire : la loi dit simplement que les accords persistent pendant une durée de préavis de trois mois (destinée à en renégocier de nouveaux) et un délai de survie de douze mois.
[2] Le DRH, mal préparé à sa fonction (il occupait auparavant un autre poste) a adopté l’agressivité comme mode de communication avec les représentants du personnel. En réalité, il ne sait pas comment leur répondre.
[3] Le DRH en arrêt maladie prolongé, qui n’était pas à la hauteur de ses fonctions, bénéficie d’un reclassement au sein du groupe.