Problématique managériale : d’une situation de détresse à un pilotage partagé ?
Cette mission de management de transition se déroule dans un site de production d’une soixantaine de personnes appartenant à un groupe doté de plusieurs entités. Je suis sollicité pour assumer la direction de la production et celle de la supply chain, dans l’attente du recrutement de nouveaux responsables. Sur le terrain, je découvre une problématique managériale structurelle, aux effets délétères.
Sommaire
La situation de départ : une problématique managériale d’envergure incluant le burn-out et le remerciement de plusieurs managers
Les éléments dont je dispose dès la phase de démarrage de la mission sont éloquents ; la direction France a été contrainte de se séparer du responsable supply chain du site, le responsable de production étant pour sa part « parti en burn-out ». Ceci dans un contexte de pression commerciale accrue, avec des résultats supply chain / livraison clients dans le rouge.
Fort de ces indications, je m’attache à rencontrer et à écouter l’ensemble des collaborateurs des services concernés pour assembler toutes les pièces du puzzle. À cette fin, j’utilise divers outils d’analyse relationnelle et systémique, tout en adoptant une posture spécifique. Le principe des 3P notamment – Permission, Protection, Puissance – « autorise » les collaborateurs à s’exprimer librement, dans un cadre sécurisant (en tant que manager de transition, je n’appartiens pas à l’organisation et n’y resterai pas ; mon unique objectif est de servir l’intérêt du collectif de l’entreprise, dans un contexte de transformation à opérer). La puissance de la parole des collaborateurs et de leurs ressentis [1] est alors au rendez-vous.
Le diagnostic que j’établis à l’issue de ces rencontres fait état d’une problématique managériale d’envergure, liée à la situation de déshérence vécue par les équipes durant plusieurs années.
En effet, après avoir connu un management très directif ne laissant aucune marge de manœuvre aux collaborateurs pendant une dizaine d’années, un mode de management misant sur la « facilitation » a été instauré, sans le moindre accompagnement. Livrés à eux-mêmes alors qu’ils avaient perdu l’habitude de prendre des initiatives, les collaborateurs ont perdu pied. Face à ce vide managérial, certains d’entre eux ont pris le pouvoir tandis que d’autres se sont faits laminer. Une série de « craquages », de graves dysfonctionnements, de décisions malheureuses, en a résulté.
Mon action prioritaire : restaurer un climat et des modalités de fonctionnement favorables au collectif de travail
Comment sortir d’une situation où les portes claquent, où certains collaborateurs pleurent dans l’entreprise, où d’autres sont en arrêt maladie de longue durée ? Comment permettre aux équipes et aux individus d’agir ensemble et non les uns contre les autres ?
Outre le fait de lancer très rapidement le recrutement des responsables de production et supply chain, il s’agit de réinstaurer des rituels de travail collectif [2].
- Certains de ces rituels sont quotidiens, avec l’ensemble des responsables.
- D’autres sont hebdomadaires – réunions de production [3], planification, gestion des priorités, coordination.
En parallèle, je mets en place une organisation de gestion de crise : je nomme à certains postes des collaborateurs dont les compétences n’avaient jamais été mobilisées jusqu’à présent dans cette perspective.
En reconstituant un environnement de travail favorable au collectif, les premiers résultats sont rapidement au rendez-vous ! L’usine tourne, moyennant le fait de savoir se donner la main, de s’écouter et de se respecter, d’exprimer et d’entendre les besoins et attentes de chacun, de se retrouver pour résoudre les problèmes ensemble. Les collaborateurs reprennent confiance en eux-mêmes et dans leur système, leur entreprise.
Cette première phase de la mission a permis de traiter une part significative des éléments structurels constitutifs de la problématique managériale affectant le site de production. Très chargée émotionnellement, elle m’a procuré une grande satisfaction. Les collaborateurs ont vu « le monde changer », ainsi qu’ils me l’ont confié.
Mon second axe d’intervention : résoudre la problématique managériale de façon pérenne en construisant une solide équipe de pilotage
La 2e phase de cette mission de transition débute avec la décision de la direction France de « débarquer » le directeur du site. Le temps de recruter son successeur, je vais œuvrer pour (re)constituer une équipe managériale dans la pleine acception du terme. Cela implique pour les managers entourant le futur directeur d’apprendre à travailler et vivre ensemble ; les responsables de production et supply chain fraîchement recrutés doivent accepter le bagage et la mémoire des quatre « anciens » managers. Ces derniers ont besoin de regagner en confiance après les épreuves traversées.
Créer un état d’esprit collectif nécessite d’opérer sur deux axes :
- Les nouveaux arrivants vont souhaiter démontrer leur crédibilité et gagner la confiance de leur employeur – le risque étant de le faire au détriment du collectif.
- Les « anciens » doivent pour leur part acquérir un mode de pensée collectif – ce qui ne va pas de soi lorsqu’on a d’abord été découragé de toute initiative, avant que cela ne devienne une injonction forte, sans cadre sécurisant.
Pour accompagner et encourager les uns et les autres dans la voie du collectif, leurs enjeux personnels doivent être écoutés, puis amalgamés au service des objectifs de l’entreprise. Je leur propose ainsi :
- de réfléchir à la situation actuelle et de partager les constats ;
- d’élaborer et de mettre en œuvre des règles de cohabitation acceptées et partagées ;
- de co-construire l’avenir du site en travaillant sur les enjeux, les pistes de développement et un mode de pilotage collaboratif des projets.
Le recrutement d’un nouveau directeur de site me conduit enfin à m’effacer progressivement pour lui passer le témoin sans risque de rupture. Il me revient en effet de lui permettre d’asseoir sa légitimité auprès des équipes. La pérennité du système que l’on vient de mettre en place collectivement est garantie par son inclusion à la phase de co-construction précédemment évoquée. Ainsi, la problématique managériale structurelle qui minait l’entreprise peut être considérée comme définitivement résolue.
Pour aller plus loin
Quels sont les défis managériaux pour 2023 ?
2023 est assurément une année de transformation managériale. La mise en place du travail hybride, la crise sanitaire, la Grande Démission, le Quiet quitting … sont des tendances qui bousculent les pratiques dans les organisations.
Les grandes tendances managériales en 2023 :
- La posture du manager coach
- L’instauration de rituels managériaux quotidiens et hebdomadaires avec les équipes
- La mise en place de conditions de travail favorables à l’épanouissement des collaborateurs et du sens au travail
- Le développement d’un état d’esprit collectif et de co-construction
- L’écoute active des collaborateurs sur leurs enjeux personnels pour les mettre au service des objectifs de l’entreprise
En 2023, les managers vont rencontrer des difficultés. Voici les 10 difficultés majeures, toujours d’actualité :
- Accompagner le changement auprès des salariés et les rendre plus agiles
- Motiver les collaborateurs
- Rendre les collaborateurs plus responsables et plus autonomes
- Favoriser un état d’esprit collectif et positif entre collaborateurs et services
- Identifier les sources de conflits et gérer les tensions entre collaborateurs
- Identifier les enjeux personnels de chacun
- Améliorer la communication
- Générer de la confiance
- Faire évoluer les méthodes de travail en fonction du contexte rencontré
- Gérer le manque de ressources humaines
[1] L’un des atouts des managers de transition CAHRA est d’être en mesure de faire parler les collaborateurs par l’intermédiaire de leurs émotions.
[2] Je prête également une grande attention aux collaborateurs revenant d’arrêts de travail de longue durée, afin d’éviter toute rechute.
[3] Il n’y avait plus de réunion de production depuis deux ou trois ans.
Pour en savoir plus sur le management de transition et notre actualité, suivez CAHRA sur les réseaux sociaux : LinkedIn, Twitter et Youtube.