QVT : pourquoi il s’agit d’un axe stratégique pour votre entreprise
Dans les entreprises, nul n’ignore la signification du sigle QVT – qualité de vie au travail. Sur le terrain, se traduit-elle par des actions concrètes menées en synergie et des perceptions satisfaisantes ? Le fait que les managers de transition interviennent systématiquement sur cet axe laisse entrevoir la réponse. Alors, en quoi consistent l’approche QVT et les méthodes mises en œuvre lors des missions de transition, transposables à toute situation de management ?
QVT : de quoi parle-t-on ?
Dans la plupart des articles consacrés à la QVT, celle-ci est abordée sous l’angle de l’environnement ou des conditions de travail. Pourtant, dès 2008, le psychologue du travail Yves Clot indique : « La priorité est de soigner le travail plutôt que de chercher à soigner les individus ; leurs symptômes – stress, troubles musculo-squelettiques (TMS), risques psychosociaux (RPS) – ne sont que le résultat de maux bien plus profonds, spécifiques à chaque organisation de travail ». Autrement dit : la démarche QVT doit être globale et viser à éviter l’apparition de ces maux.
Dans cette perspective, la QVT constitue une approche systémique du travail. Elle englobe « le travail lui-même, son contenu, ses conditions matérielles d’exercice, son organisation, le système de relations sociales dans lequel il s’insère, le pouvoir d’agir des individus et de donner du sens à leurs actions, c’est-à-dire la capacité qui leur est donnée de faire du bon travail dans de bonnes conditions » (étude La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité – Refonder les organisations du travail de La Fabrique de l’industrie [1]).
La qualité de vie au travail, une problématique de management
Dans l’entreprise, qui va pouvoir influer sur la reconnaissance témoignée aux collaborateurs, leur autonomie ou l’ambiance de travail, entre autres ?
Les différentes dimensions de la QVT, étude Qualité de vie au travail de la Fabrique de l’industrie
La direction générale, responsable de la stratégie globale, et le management, portent la responsabilité de la QVT. S’en sont-ils emparés de façon satisfaisante ?
Au Québec, les premières démarches en faveur de la QVT datent des années 1990 et la norme Entreprise en santé a été adoptée en 2008. Si l’on peut y voir une motivation pragmatique (l’entreprise assumant en partie les frais de santé de ses collaborateurs), certains biais pourraient expliquer les difficultés opérationnelles hexagonales.
Le dirigeant-fondateur de CAHRA management de transition by H3O, Emmanuel Buée, distingue deux écueils majeurs :
- L’approche très analytique de la plupart des cabinets de conseil, qui interrogent le manque de performance à cause de la mauvaise qualité de vie au travail pour réaliser un diagnostic. La mise en œuvre est ensuite inexistante [2].
- Le manque de cohérence entre une prise de conscience des enjeux de la QVT et des systèmes de management toujours basés sur des objectifs de performance (via les primes variables accordées aux managers) – et non sur les moyens d’arriver à la performance. Selon la période de l’année, un dirigeant ou un directeur de site auront intérêt à raisonner à court-terme pour aller chercher 3 points de productivité et gagner leur prime.
De tels systèmes de management amènent l’organisation à faire le contraire de ce qu’elle promeut.
Poser un tel constat signifie-t-il que toute démarche QVT implique de laisser de côté les résultats ? Évidemment non. Mais ce n’est pas en exerçant une pression constante sur les équipes [3] que l’on atteindra les objectifs. Le sens de la mission a un impact bien supérieur.
Prenons une image : avoir comme mission de tailler des pierres, de bâtir des murs ou de construire une cathédrale induit un positionnement différent chez le collaborateur. S’il doit uniquement tailler des pierres sans vision de la finalité de sa tâche, la tension et le stress générés quasi quotidiennement vont dégrader sa relation au travail et, in fine, sa performance.
Cela s’applique à tous dans l’entreprise, des opérateurs de premier niveau jusqu’au top management.
Pourquoi l’axe QVT est prioritaire lors des missions de transition – et dans un contexte de transformation
Dans le cadre d’une mission de management de transition, le manager [4] intervenant dans l’entreprise doit absolument embarquer l’ensemble des collaborateurs pour mener la transformation avec eux. La nécessité de mobiliser et de fédérer s’applique à tout type de changement à opérer.
À cette fin, le manager de transition cherche à libérer la parole, ce qui nécessite de créer les conditions de la confiance – en proposant un espace où règnent l’écoute et la bienveillance, pour permettre aux collaborateurs d’échanger en l’absence de tout jugement.
L’attitude du manager de transition et les outils, les méthodes d’animation qu’il utilise contribuent à initier un cadre de travail collaboratif qui favorise la perception du sens de la transformation par les collaborateurs. Une attention particulière est apportée à la pression managériale. Sensibles à la prise en compte effective de leur santé et de leurs possibilités de développement, d’épanouissement personnel (donc de leur bien-être au travail), les collaborateurs vont se mobiliser pleinement.
Lorsque le dirigeant et le top management constatent qu’un simple changement de comportement allié à des techniques de management et d’écoute ont permis de gagner de la productivité sans investir, ils souhaitent s’engager dans une démarche QVT. La posture « modélisante » du manager de transition génère un effet boule de neige. Reste encore à modifier les systèmes de mesure de la performance pour les faire porter sur les moyens et non sur les résultats obtenus.
Faisons de la QVT une réalité vécue dans les entreprises
En termes de management, on va préférer mesurer l’implication au quotidien plutôt que de fixer des objectifs quantitatifs.
Emmanuel Buée prend l’exemple d’une entreprise ayant assimilé ses îlots de production à des villages comportant un lieu de rencontre, le café. Chaque matin, les collaborateurs s’y retrouvent et relatent la façon dont la journée de la veille s’est déroulée. Selon, ils matérialisent leur perception par un point vert, orange ou rouge. Le management intermédiaire interroge alors l’origine du problème – interne ou externe à l’entreprise, en lien avec d’autres îlots, issu de l’îlot lui-même. En se concentrant sur le respect des fréquences et des méthodologies de réunions au travers des solutions de résolution de problèmes, on sert la performance de l’îlot – sans même l’avoir mesurée !
D’autres outils ou dispositifs peuvent être actionnés afin d’évaluer les pratiques Employeur, la QVT ou le climat social [5] dans l’entreprise. L’important est de ne pas préjuger des problématiques de l’entreprise dans l’élaboration des questions posées aux collaborateurs pour éviter d’orienter leurs réponses.
Si le sujet de la QVT doit être « travaillé » au quotidien, l’accompagnement de la démarche nécessite de quitter la dimension de conseil stricto sensu pour celle de faire avec. Car l’expérimentation s’avère payante : c’est par le biais de petits pas que l’on va saisir toute la pertinence – et la puissance – de la démarche QVT.
En France, la QVT est au cœur des discussions de nombreux dirigeants et managers. Pour qu’elle devienne un axe stratégique prioritaire, il lui reste à acquérir le caractère de condition nécessaire et indispensable : sans QVT ou dans un contexte de bien-être au travail altéré, il n’y a ni transformation de l’entreprise ni performance et compétitivité durables.
[1] Etude réalisée en partenariat avec Terra Nova et l’Aract Ile-de-France. Ses auteurs rappellent que la QVT « est le fruit de près d’un siècle d’observations scientifiques du Travail, d’une part, et de négociations entre partenaires sociaux, d’autre part ».
[2] Le rachat du Chalet QVT en 2017 correspond pour CAHRA à la volonté d’accompagner les entreprises de manière opérationnelle sur l’ensemble des problématiques modernes des RH (QVT, risques psychosociaux, troubles musculo-squelettiques…).
[3] Le stress, la pression, sont nocifs s’ils sont quotidiens. Mobiliser ponctuellement ses équipes en exerçant une pression modérée, dans un objectif de productivité, peut néanmoins participer d’une démarche de QVT. Dans un cadre sécurisant, l’angoisse modérée favorise ce type de résultat.
[4] Selon le type d’activité de l’entreprise, l’axe à travailler prioritairement en termes de QVT peut être celui de la sécurité, via le retour au respect des précautions de sécurité élémentaires.
[5] Quelques solutions parmi d’autres : Officevibe, Supermood, Wittyfit, ZestMeUp.