Pour repositionner le pôle finance au cœur de la création de valeur : convaincre par l’exemple ?
La mission de transition que nous allons parcourir ensemble répondait à deux impératifs : 1) assurer le relais entre le DAF démissionnaire et le professionnel qui allait le remplacer ; 2) réaliser une mission de transformation pour remettre un service au cœur de l’information de l’entreprise. Comment ai-je procédé pour repositionner le pôle finance – en l’occurrence – et changer le regard des autres parties prenantes de l’entreprise sur ses collaborateurs ? Exploration.
Malgré une belle marque employeur, l’équipe du service financier est en déshérence
Quelques mots tout d’abord sur le groupe du secteur agro-alimentaire dans lequel s’est déroulée mon intervention. Comportant des sites de production en France et à l’étranger, son activité reste en grande partie manuelle alors que ses concurrents ont davantage mécanisé leur production. La persistance de ce caractère manufacturier permet à l’entreprise de proposer des produits premium. Et cette spécificité génère chez ses collaborateurs une fierté ainsi qu’un réel sentiment d’appartenance à leur organisation. L’Histoire de l’entreprise est la leur.
C’est également le cas des collaborateurs du pôle finance, que je vais manager. Et pourtant, dès mon arrivée, je perçois leur malaise : difficultés de communication entre l’encadrement et le reste de l’équipe, scission au sein de celle-ci. Pour diverses raisons, l’organisation préexistante n’a pas su dynamiser les collaborateurs ni les rendre autonomes. Loin de les faire évoluer, elle les a isolés, alors que la comptabilité et le contrôle de gestion font partie de la colonne vertébrale de toute organisation.
Résultat : le service financier produit des données que l’on a du mal à connecter avec le reste de la vie de l’entreprise.
Repositionner le pôle finance comme un « hub » de nature comptable, administrative voire juridique, au service des autres fonctions de l’entreprise
C’est ce que j’entreprends, à l’issue du diagnostic que j’effectue – comme chaque manager de transition CAHRA au début d’une mission de transition. Chose étonnante : dans cette entreprise, le service financier ne réalise pas de reporting car il n’est pas en mesure de produire des données de façon régulière. Or les collaborateurs consacrent un temps considérable au traitement de la paperasse ! Le déficit de numérisation, de questionnement sur les process, de méthodologie, est manifeste. Par ailleurs, le système de hiérarchisation (avec 4 à 6 niveaux de signature bien souvent) n’est pas en phase avec la réalité des responsabilités, le directeur industriel validant des factures en rapport avec l’informatique, par exemple… De ce fait, les collaborateurs gèrent des montagnes de papiers, des classeurs de photocopies, des plannings de retour de signature, et sont toujours en retard sur leur cœur de mission
Mon objectif est donc de repositionner le pôle finance comme un support des autres fonctions, en déployant de nouvelles façons de communiquer et de connecter les données. Car les datas du commerce, de la production et de la finance disent des choses de l’entreprise, pour peu qu’on les mette en perspective ! Dans le domaine de l’agroalimentaire qui fonctionne souvent par campagnes, la dynamique commerciale, l’excellence opérationnelle (sur le plan de la production) et la capacité de gestion et d’anticipation financières – notamment en matière de trésorerie -, contribuent à parts égales ou presque à la santé des organisations.
Le plus délicat dans cette mission de transition ? Sa composante comportementale, à certains égards
Sur le plan purement technique et opérationnel, j’ai managé les enjeux et objectifs de mon intervention avec sérénité, au regard de mes connaissances comptables, juridiques, administratives et financières. En revanche, la dimension comportementale a été plus problématique, avec le Codir notamment.
En effet, là où les collaborateurs du service financier sont ravis que l’on « s’occupe » enfin d’eux – je me suis attachée à leur donner une direction, à apporter du changement avec pédagogie et méthode, à les encourager, à les féliciter -, les membres du Codir sont surtout soucieux de conserver leurs prérogatives. Dès lors, il leur est difficile d’écouter véritablement l’autre et/ou de reconnaître que ce qui a un impact dans leur environnement de travail, peut aussi en avoir dans d’autres.
Pour convaincre par ricochets, je mets toute mon énergie à faire du service financier celui « où il fait bon passer »
À mon arrivée dans l’entreprise, j’aurais pu qualifier ce pôle ainsi : des collaborateurs compétents, mais d’une tristesse… Pour changer cela, je suis rentrée dans le détail des fiches de poste de chacun et ai questionné les envies d’évolution. Ensemble, nous avons redéfini une partie des tâches avec un socle d’activités qu’ils maitrisaient – à hauteur de 80 % – et une ouverture sur leurs souhaits ou sur des compétences inexploitées (pour 20 %).
En parallèle, j’ai libéré la parole… et une vision positive des situations ! En effet, après des années passées sans témoignage d’intérêt notable, les collaborateurs restaient focalisés sur leurs difficultés. J’ai donc initié une dynamique inverse, en les encourageant à trouver leurs propres solutions face aux obstacles, à questionner les process sans crainte de les changer, à se réjouir même des petites victoires. L’équipe du pôle finance a ainsi retrouvé le sourire.
Peu à peu, face à ce nouveau dynamisme, les membres du Codir se sont intéressés aux méthodes que j’avais mises en œuvre. Rien ne vaut la puissance de l’exemple.
De cette mission, je retire un enseignement majeur : les collaborateurs délaissés ont besoin qu’on leur redonne la conscience de ce qu’ils sont et de ce qu’ils apportent. De nouveau estimés et challengés, ils peuvent accomplir des merveilles ! D’où l’importance pour un manager (de transition notamment) d’être capable de pousser ses équipes à se dépasser – en l’occurrence, pour repositionner le pôle finance au cœur des enjeux de l’entreprise.
BIO EXPRESS
Forte d’un solide socle Gestion/Finances et de 25 ans d’expériences professionnelles diversifiées dans des organisations en mutation, Fabienne Angaud est manager de transition CAHRA. Femme de terrain, ancienne chef d’entreprise, convaincue que l’humain est un formidable outil de création de valeur, un catalyseur d’innovation et de développement, elle met aujourd’hui ses compétences au service des clients CAHRA sur des missions de management de la transformation.