Résistance au changement : identifier ses ressorts pour opérer la transformation
Dans un contexte de transformation, des craintes se manifestent. Notre préférence à rester dans des habitudes engendre des mécanismes de résistance au changement. Face à cette réaction naturelle, il est important de comprendre à quoi se réfèrent les peurs fondamentales qui l’alimentent. Vous identifierez aussi ses causes organisationnelles. Objectif : adopter la posture adéquate pour mener votre projet de transformation de manière positive, dans l’intérêt de l’entreprise et de vos collaborateurs.
1- Identifiez les causes invisibles de la résistance au changement, à dimension (inter)personnelle
Quel que soit son tempérament, tout être humain est gouverné par deux pôles – ses envies et ses peurs – entre lesquels il existe de multiplies variables. Chacun les négocie à sa façon. Selon le psychologue des organisations Will Schutz [1], il existe 3 peurs fondamentales :
- La peur de l’abandon ou d’être ignoré – liée au besoin d’appartenir à un groupe, de se sentir important ;
La dimension concernée est l’inclusion.
- La peur de l’humiliation – liée au besoin de se sentir en maîtrise et compétent ;
Il s’agit ici de contrôle, d’influence, de pouvoir ou encore, comme l’exprime le coach Claude Bouyer, formateur des managers de transition CAHRA, « de la capacité à accepter de s’engager dans une dynamique ».
- La peur du rejet – liée au besoin d’affection.
Dans l’entreprise, elle se traduit par le besoin de reconnaissance.
« Rares sont les équipes qui pratiquent l’inclusion lors de leurs réunions, y compris les Codir. » Alors, comment procéder ? Il s’agit d’effectuer une météo des émotions pour faire émerger les peurs.
- Chacun s’exprime lors du tour de table qui ouvre la rencontre.
On rend ainsi visible les écarts d’alignement des participants afin d’apprécier collectivement le niveau de cohésion dans l’équipe autour des problématiques à aborder.
- « Avec ce processus d’inclusion, l’équipe développe une intelligence relationnelle qui lui procure du confort. Dès lors que l’équipe se développe, il devient possible de poursuivre ce processus en explorant ce qui « supporte » la météo des uns et des autres, poursuit Claude Bouyer. On ne connecte pas une équipe comme une clé USB ».
Lors d’une réunion d’une heure, mieux vaut consacrer 10 minutes à l’inclusion, avoir des collaborateurs soudés et efficaces pour la suite, plutôt que de se lancer tête baissée en laissant certains dans l’incapacité de participer pleinement en raison des soucis ou difficultés qu’ils traversent. « Les peurs sont des blocages d’énergie. »
Quand un changement s’engage (quelle que soit son ampleur), les repères d’une équipe et/ou des individus sont modifiés et, parfois, bouleversés. Cela génère des interrogations – que faire dans cette configuration nouvelle ? -, parfois des erreurs. En se faisant confiance néanmoins [2], l’équipe et ses membres vont trouver un nouvel équilibre et découvrir des opportunités insoupçonnées. Encore faut-il que leurs peurs aient été entendues – et prises en compte – par le manager. Outre l’inclusion, cela passe par une réassurance de chacun sur ses périmètres respectifs (la perte de pouvoir étant une crainte commune). Il s’agit aussi de garantir l’expression de tous et d’instaurer une réelle proximité au sein du collectif – pour que chacun de ses membres s’y sente apprécié.
Accorder toute l’attention requise à ces divers facteurs permet d’influer sur l’aspect le plus « subversif » de la résistance au changement. Mais l’impact n’est pas immédiat ! La transformation se prépare bien en amont.
2 – Quelles sont ses causes visibles, liées à l’organisation ou à la nature du changement lui-même ?
Touchant à des besoins interpersonnels, la résistance au changement concerne également des aspects collectifs. Les deux dimensions peuvent d’ailleurs se conjuguer. Citons entre autres :
- Un mode de fonctionnement évoluant de façon trop radicale pour des collaborateurs recourant à des routines bien établies ;
- Un changement à opérer perçu comme coûteux, en temps et en énergie ;
- Le manque de légitimité de l’agent du changement (interne ou externe à l’organisation), aux yeux des équipes.
Ces craintes s’appuient sur une réalité « observée », qui peut néanmoins relever de ressentis. Ce type de résistance au changement témoigne de la nécessité d’écouter et d’accompagner les collaborateurs. Il est important d’inscrire la transformation dans une perspective et de faire ressortir les bénéfices à en attendre du point de vue des équipes. La preuve par l’exemple constitue un levier efficace.
Ne négligez pas un aspect à ce stade : la résistance représente parfois un challenge susceptible de faire évoluer le projet de transformation dans un sens positif pour le collectif et l’organisation. Tout dépend de l’intention qui l’anime. Une lecture à l’aune de l’intelligence relationnelle systémique (IRS) [3] permet de cerner ce qui se joue.
3 – « Apprivoisez » la résistance au changement pour opérer celui-ci dans les meilleures conditions possibles
L’identification des causes visibles et invisibles ne suffit pas à dompter la résistance au changement. Le manager doit pouvoir répondre à ses principales manifestations de manière adéquate et instantanée. La résistance au changement suit en effet plusieurs phases :
- Le refus du changement par principe – les collaborateurs refusent de voir leur réalité bouleversée ;
- La résistance – où le « pourquoi » du changement est appréhendé, celui-ci restant non désiré. En résultent de l’inertie, des argumentations, voire de vives contestations ;
- La décompensation – comprenant que le changement aura lieu avec ou sans leur accord, les collaborateurs se démotivent ;
- La résignation – le changement est « accepté » en l’absence d’autre option. On regrette la situation antérieure.
L’objectif du manager est d’accompagner ses équipes dans l’intégration de la transformation (incluant le deuil de : « oui ce ne sera plus comme avant ! ») pour qu’elles la mettent en pratique de façon volontaire.
La communication faite aux équipes s’avère indispensable à cette fin. Bien menée, elle constitue un puissant antidote à la résistance au changement !
Lors d’une mission de management de transition par exemple [4],
- La communication est sincère pour mobiliser les énergies ;
- Elle porte sur les enjeux et objectifs de la transformation. Il s’agit de transmettre le sens de la démarche et non de fixer des objectifs quantitatifs.
Le travail collaboratif constitue également un vecteur intéressant. Le manager ou chef de projet amène ses collaborateurs à exprimer leur vision de la situation actuelle et des problématiques qu’elle soulève. Il les invite à proposer des solutions opérationnelles qui sont évaluées et choisies en commun, dans le cadre d’un processus de codécision. Pour une démarche de consultation, il favorise le partage d’idées tout en décidant in fine.
Dernière dimension, la surprise. « Sortir des routines est indispensable pour accompagner le changement et créer un état d’esprit qui y soit favorable, souligne Claude Bouyer. » Plusieurs techniques à cet égard :
- Lors d’une réunion, demander aux participants de changer de place après la pause.
Le fait de se situer autrement dans l’espace modifie légèrement leurs repères, ce qui influe sur leur vision de la situation.
- Commencer la réunion par un tour de table destiné à répondre à la question Quoi de neuf ?
Chacun est invité à s’exprimer sur le « comment il s’y est pris » pour produire du changement dans ses activités de la semaine précédente, par exemple.
>> À retenir
- La résistance au changement et les peurs qui l’alimentent sont des réactions naturelles. L’être humain est sans doute davantage câblé pour conserver ses habitudes que pour changer [5].
- La prise en compte de ces peurs et résistances est essentielle. Le manager doit inclure chacun dans le collectif – et dans le changement à opérer.
- La communication participe de cette inclusion, tout comme un travail collaboratif sur certaines dimensions du processus. Les collaborateurs s’approprient ainsi, peu à peu, la transformation.
[1] Deux sources de référence pour approfondir : L’Élement humain de Will Schutz et Les 3 peurs et les 40 talents : l’approche de Will Schutz expliquée aux managers de François Cornu.
[2] Sachant que la confiance en soi « découle de l’estime de soi, qui se construit durant l’enfance. L’amour et la sécurité alors prodigués en sont le terreau. Toutefois, la confiance évolue au fil de nos parcours et peut se développer à n’importe quel âge ». (Olivia Balloffet, formatrice Efficacité professionnelle et Développement de soi)
[3] Un site pour en savoir plus : FORSC, Facilitateur des Organisations, Relations, Systèmes et Changements.
[4] L’exemple des missions de transition est significatif mais la démarche est valable quel que soit le contexte managérial.
[5] C’est l’opinion de Claude Bouyer et d’un nombre croissant de spécialistes des organisations.
CLAUDE BOUYER – BIO EXPRESS
Coach professionnel Management et Leadership, en charge de la formation des managers de transition chez CAHRA, Claude Bouyer est passionné par le développement des personnes et des équipes. Posant un regard curieux sur l’univers, il est directeur associé de Cuestiones Clave, un organisme de coaching.