Travail collaboratif : un axe décisif pour le management et la transformation
La vérité du monde professionnel n’est pas toujours celle des mathématiques. Avec l’intelligence collective en effet, 1 + 1 = 3 ! En quoi consiste le travail collaboratif, qui la révèle ? Comment le mettre en œuvre dans les organisations et pourquoi le management de transition est-il en pointe en la matière ? CAHRA interroge la nature et la portée de ce nouveau mode d’organisation du travail au potentiel révolutionnaire.
Où l’on voit que le développement du travail collaboratif « recoupe » l’accélération digitale
Depuis l’origine, les entreprises pilotent leurs collectifs grâce à l’autorité du manager ou chef de service, celle-ci se doublant d’un contrôle de l’activité des collaborateurs. Une organisation pyramidale semble alors garante de la performance.
Mais la digitalisation d’une part, le développement des réseaux sociaux de l’autre, provoquent une multiplication des interactions personnelles et professionnelles. Il en résulte une accélération phénoménale.
« Dans une société qui bouge, explique Mylène Ridel, fondatrice de la société Label’Com, les comportements et les attentes évoluent. Quand 6 % seulement des salariés français se déclarent engagés au travail, il y a nécessité pour les entreprises de travailler autrement » L’autre enjeu est la rétention des talents, les nouvelles générations n’hésitant pas à quitter leur poste pour aller mener d’autres expériences ailleurs.
Pour répondre à ces défis [1], les entreprises mettent en place de nouvelles postures et pratiques, en termes de management. Il s’agit de développer la créativité au sein des équipes et de favoriser l’intelligence collective et collaborative (IC).
En co-construisant des modèles ou actions avec ses collaborateurs (lorsque c’est possible), le manager va agir sur leur motivation, leur implication, nourrissant ainsi leur engagement[2] et leurs performances in fine. Cela implique de sa part d’accepter d’aller dans une direction qu’il n’aurait parfois pas choisie lui-même.
Présente en creux dans toute organisation, l’intelligence collective est le fruit du travail collaboratif
« Alors que les entreprises regorgent de ressources et de compétences, regrette Mylène Ridel, elles ont encore tendance à cloisonner leurs activités. » Le travail collaboratif va autoriser les rencontres entre équipes ou services, suscitant ainsi le partage de ressources, d’outils… et de sens,
Reposant sur des soft skills telles que l’observation et la considération, il favorise notamment :
- La proximité des collaborateurs, qui renforce les relations et développe la confiance mutuelle ;
- La synergie des intérêts collectifs et individuels ;
- L’adaptation à l’inconnu et à la complexité.
Le travail collaboratif agit comme un révélateur de la puissance du collectif, qu’il va dynamiser. Rappelons que l’intelligence collective permet à un groupe de réaliser des tâches complexes grâce à « l’augmentation » de ses capacités cognitives, issue d’une multitude d’interactions préalables entre ses membres.
Comment activer ce nouveau mode de fonctionnement au sein des équipes ?
Avant toute chose, il est important de désacraliser ces concepts.
« Diverses techniques permettent d’enrichir les pratiques, indique Mylène Ridel. On recourt notamment au jeu, au dessin, aux post-it, les participants sont invités à se mettre debout. » L’idée est de casser les codes des réunions et ateliers habituels grâce à des processus participatifs.
Fervent partisan du travail collaboratif, le manager de transition CAHRA Emmanuel Darcourt renchérit : « Il s’agit d’ouvrir de nouveaux horizons aux membres du groupe en leur permettant de se reconnecter avec « qui » ils sont vraiment ».
Dans cette perspective, le manager doit accepter de quitter sa zone de confort et d’investir (régulièrement) sa zone d’inconfort afin de progresser et de s’adapter [3], avec ses équipes.
Pour impulser le travail collaboratif, il va :
- Modifier sa façon d’animer une réunion en visant davantage d’interactions et de partage entre les participants ;
- Proposer des séances de brainstorming ;
- Recourir à la communication visuelle, qui améliore le taux de mémorisation – un plus grand volume d’informations pouvant être décodé plus rapidement ;
- Veiller par exemple à réaliser un atelier créatif dans un espace lumineux, qui permette si possible d’alterner les moments assis/debout et la configuration des groupes de travail (grand groupe, petits groupes, binômes).
Connaître la stratégie émotionnelle est également important si l’on veut optimiser la performance collaborative. Ainsi, une atmosphère trop festive ne favorise pas la créativité car les équipes ont alors tendance à rester dans leur zone de confort. L’angoisse modérée et les challenges (dans un cadre sécurisant) se révèlent beaucoup plus productifs à cet égard.
Pourquoi le travail collaboratif irrigue les missions de transition
Dans ce type de missions, des changements doivent être opérés en termes de vécu ou de culture, d’outils ou de méthodes, de vision, d’animation managériale, etc. Cela implique un collectif, qui doit s’engager dans la transformation. D’où le cri du cœur du manager de transition Emmanuel Darcourt : « Sans le travail collaboratif, le management de transition se muerait en exercice périlleux ».
Comment procède-t-il lors d’une mission ?
Il s’agit d’abord de structurer un collectif (en intégrant 4 à 6 collaborateurs maximum), puis la démarche.
- « Dans une approche socio-dynamique, je cadre avec les participants les enjeux, les règles de fonctionnement (arriver à l’heure, s’exprimer de façon respectueuse, etc.) et les types de relations. »
Ce cadre PROTECTEUR – qui doit être accepté par tous – sera entretenu tout au long de la mission.
- « En termes d’animation managériale, je me concentre sur la forme, laissant une grande liberté aux membres du groupe sur le fond. »
Le collectif se met d’accord sur l’objet et la nature de la réunion : s’agit-il d’une séance de brainstorming ? D’une résolution de problèmes ? De retours d’expérience ?
- « Dans ce contexte de transformation, je donne ensuite des PERMISSIONS au collectif. »
Il s’agit de travailler de façon indirecte sur les émotions des participants, leurs intuitions, leurs ressentis, grâce au jeu. Exemple : Emmanuel Darcourt leur demande de choisir un personnage dans l’arbre à personnages pour représenter la situation dans laquelle ils se trouvent par rapport à la transformation.
Source : MOOC Réussir le changement – ESSEC, David Autissier
Via cette dimension ludique, les membres du groupe se positionnent plus facilement de façon explicite. Le manager de transition (ou chef de projet dans un autre contexte) identifie ainsi des tensions possibles et pourra les traiter.
Autre exemple : pour choisir un directeur de site, Emmanuel Darcourt organise un brainstorming sur la base de l’enquête appréciative. Il demande notamment aux membres du groupe de déterminer les faiblesses (du futur directeur) avec lesquelles ils estiment pouvoir fonctionner. Il ne leur faut que 30 à 40 minutes pour obtenir un résultat concluant.
« Du cadre PROTECTEUR aux PERMISSIONS accordées, on en arrive à la PUISSANCE du groupe et du travail collaboratif. »
Le travail collaboratif fait converger la vision des différents acteurs de l’entreprise
Le niveau le plus abouti de la socio-dynamique est la co-construction : les collaborateurs construisent ensemble leurs règles du jeu, leurs référentiels, ce qu’ils veulent faire ; les décisions seront portées par le collectif. Ne reste plus au manager qu’à effectuer quelques arbitrages pour que le groupe aille dans la direction qui lui est le plus utile.
Quid dès lors de sa propre vision ou de celle de l’entreprise ?
« L’intérêt de l’approche collaborative est qu’elle fait converger chacun vers un consensus d’action, indique Emmanuel Darcourt. »
Pour éviter d’éventuelles distorsions, le manager doit avoir défini au préalable :
- S’il s’engage dans une démarche de consultation – il va favoriser l’échange d’idées, l’émergence de solutions, mais c’est lui qui tranchera [4];
- S’il s’inscrit dans une démarche de co-décision – il mettra en place ce qui va émerger du groupe, quelle que soit la proposition.
Une série de questions permet de déterminer le positionnement requis.
Est-ce que je dispose de suffisamment d’informations pour prendre une décision éclairée ? OUI/NON.
Les équipes seront-elles à même de mettre en place une décision prise sans leur participation active ? OUI/NON.
Des conflits entre les collaborateurs peuvent-ils survenir sur la décision finale ? OUI/NON.
En matière de travail collaboratif, le respect de la méthode est essentiel : dans un contexte de résolution de problèmes par exemple, inutile d’escompter un résultat efficient si les membres du collectif ont navigué librement de la réflexion à l’action sans passer par l’observation [5]. Le rôle du manager de transition – et du manager en général – est d’être le berger du collectif. La puissance « libératrice » du travail collaboratif en dépend.
[1] L’une des réponses consiste à améliorer la QVT, en garantissant l’équilibre vie pro –vie perso – vie sociale.
[2] « Le moteur de la motivation est indispensable pour prendre l’autoroute de l’engagement » selon Dimitri van Sprang, cofondateur et associé d’Equi’coaching Expérience, animateur de formations Communication et Management au sein de l’organisme de formation docendi.
[3] À défaut, le risque est de passer directement dans une zone de danger où l’unique objectif sera alors de « survivre ».
[4] L’annonce doit avoir être faite dès le départ pour éviter tout sentiment de manipulation au sein du collectif.
[5] Il s’agit là des trois phases d’une démarche de résolution de problèmes.
BIOS EXPRESS
Fondatrice de la société Label’Com, Mylène Ridel aide les organisations à développer la communication, le travail collaboratif et l’intelligence collective au sein de leurs équipes. Passionnée par les relations humaines, elle dispose d’une certification de praticienne PNL (Programmation Neuro Linguistique) et d’un diplôme de coach professionnel (reconnu RNCP niveau 1; Bac+5). Mylène Ridel travaille en tant que formatrice et coach avec Le Chalet QVT. Elle intervient dans toutes les structures CAHRA pour le déploiement de l’intelligence collective.
Manager de transition CAHRA depuis 2016, Emmanuel Darcourt dispose d’une vaste expertise en matière de continuité des opérations et de gestion de projets complexes, dans le domaine de l’industrie et de la prestation de services. Auparavant, il a dirigé une entreprise française du secteur métallurgique, après avoir été Directeur Général d’une filiale à l’étranger, Responsable Maintenance / Qualité et Ingénieur Process dans une société internationale d’emballages métalliques, notamment.